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qui, assise sur un tabouret bas, montrant son chaste sein nu, les jambes drapées, joue d’une petite harpe d’argent qu’elle appuie sur sa hanche ; en dressant doucement la tête pour écouter la voix de son âme. Cette jolie figure montre un côté moins connu du talent si varié de l’auteur du Diderot, du Travail, de tant de bustes exquis d’enfans. Le soin avec lequel elle est exécutée en fera une décoration charmante pour le salon américain auquel elle est destinée.


II

Les difficultés que présente, pour le sculpteur, dont l’œuvre doit être bonne à voir de tous côtés et facilement intelligible, la pose expressive d’un seul personnage, s’accroissent en raison directe du nombre de figures qu’il juxtapose. S’il est nécessaire dans un groupe, pour la satisfaction de l’œil, que toutes les figures y soient bien liées ensemble et qu’elles y offrent l’aspect d’un tout inséparable, d’une masse coordonnée et d’un équilibre harmonieux, il n’est pas moins nécessaire que chaque figure intercalée y montre, dans sa forme, une perfection individuelle permettant, à la rigueur, de la concevoir comme détachée du faisceau commun. La mise en scène de plusieurs personnages dont les attitudes s’expliquent les unes par les autres permet d’y traiter des sujets plus compliqués, dans lesquels l’expression résultera plus aisément de la correspondance établie entre les différens gestes ; mais cette possibilité même engendre, à son tour, une quantité de difficultés nouvelles. Aussi ne doit-on pas s’étonner que les sculpteurs aient besoin de s’y reprendre à plusieurs fois pour amener de pareils ouvrages à la perfection désirable. La plupart apportent, après réflexion, des modifications souvent très sérieuses à leur modèle avant de le fixer dans sa matière définitive, bronze, pierre ou marbre. Sous ce rapport, la facilité avec laquelle le Salon accueille les modèles en plâtre leur rend un service réel, tant parce qu’elle leur laisse entre le premier travail de création et le second travail de réalisation une accalmie forcée très favorable à la méditation, que parce qu’elle soumet durant deux mois leurs ouvrages à des critiques utiles et dont ils peuvent tirer profit.

La plupart des bronzes décoratifs, destinés à la décoration de promenades publiques, qu’on voit au Salon de 1887, ont déjà paru, à l’état de plâtres, dans les expositions précédentes ; nous pouvons constater que, presque toujours, des améliorations attentives y ont été apportées, qui en font des œuvres honorables et intéressantes.