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C’est ainsi que nous retrouvons avec plaisir les Belles Vendanges de M. Vital-Cornu, le Premier Bain de M. Gaston Leroux, le Au loup de M. Hiolin. Le premier groupe rentre dans la série de ces allégories naturalistes, empruntant à la mythologie antique quelques figures traditionnelles d’un usage courant, nymphes, faunes, satyres, etc., auxquels les sculpteurs ont encore fréquemment recours pour exprimer des idées champêtres. Les deux autres comptent parmi les tentatives heureuses faites, en ces derniers temps, pour renouveler la série usée des sujets rustiques par une introduction plus résolue de l’observation réelle et de l’élément contemporain. L’évolution qui s’opère au rez-de-chaussée correspond à celle qui s’accomplit au premier étage, car les sculpteurs, non plus que les peintres, ne sont point restés indifférens au mouvement déterminé par les paysagistes. Millet a ouvert autant d’yeux chez les manieurs de ciseau que chez les teneurs de palette ; il leur a rappelé, mieux qu’aux peintres peut-être, que l’agrandissement de l’expression peut s’obtenir par la simplification intelligente des formes. Une étude attentive des œuvres délicates de la renaissance florentine et des œuvres saines de l’antiquité grecque a ensuite fait le reste ; de sorte que notre école de sculpture se trouve aujourd’hui en mesure de donner une véritable puissance plastique à des figures populaires et à des sujets familiers qui semblaient autrefois offrir à peine matière à des improvisations du genre anecdotique. Ce goût de simplicité mâle, dont nous sommes redevables à Millet, nous donne actuellement, dans cet ordre de créations, une avance considérable sur les sculpteurs étrangers. Ceux-ci en sont restés presque tous, surtout les italiens, à traiter les thèmes de la vie courante, les plus éternellement poétiques et les plus humains, par le simple côté anecdotique, sentimental ou amusant ; de cette façon, en les rapetissant, ils en accentuent seulement la banalité au lieu d’en dégager l’expression générale et haute. On devine ce que fussent devenus, entre les mains de ces trop spirituels ouvriers du marbre qui pervertissent le goût public à Milan et à Turin, des sujets prêtant à des minauderies ridicules ou à la niaiserie dramatique, comme les sujets choisis par MM. Gaston Leroux et Hiolin. L’un est simplement un père, descendant sur une plage, et portant vers la mer, pour l’y baigner, un petit garçon assis sur son épaule, qui se débat en poussant des cris ; l’autre est un jeune berger armé d’un bâton, qui se précipite au secours d’un troupeau attaqué, luttant de vitesse avec son chien. C’est bien le cas de dire que le ton fait la chanson ; le ton pris par MM. Leroux et Hiolin, ni trop haut ni trop bas, sur un mode grave et naturel, leur a permis de trouver, pour leurs figures, un rythme simple et suffisamment fort qui, sans avoir le charme antique,