Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/912

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

florentins : il a eu raison. Ce brave soldat, de tournure un peu pesante, sous son lourd harnachement, comme nos bons chevaliers à cette époque, de mine dure et rude, mais grave et loyale, pourrait être un des suivans de Jehanne la Pucelle lorsqu’elle entra dans Orléans. Sa place est donc bien dans la ville de la sainte héroïne, sous la nef où l’on célèbre tous les ans sa fête. Tandis que les visiteurs pieux retrouveront dans l’image du prélat l’ardeur de son esprit et la sérénité de son âme, tandis que les historiens et les artistes reconnaîtront dans l’arrangement élégant de son tombeau les élégances exquises et sobres de sa parole, les Orléanais, qui virent son patriotisme à l’œuvre durant l’invasion, vénéreront, dans le Saint-Michel, une allusion claire et touchante à cet héroïsme simple du pasteur, armé d’une croix à défaut de glaive, qui, obstiné à défendre son troupeau, arracha, par sa fière énergie, plus d’une victime aux violences du vainqueur. Il serait à désirer, pour les Parisiens, que le monument entier de M. Chapu, lorsqu’il sera achevé, pût être exposé dans son ensemble, comme le fut autrefois celui de M. Paul Dubois.

Quelques autres statues de personnages illustres du passé ou du présent, destinées à des édifices publics, montrent encore qu’un grand nombre de nos sculpteurs sont toujours prêts à s’attaquer à ces besognes difficiles en y apportant toute la gravité de conception et toute l’énergie d’exécution nécessaires. Le Phidias de M. Aimé Millet, debout, son ciseau à la main, entourant de son bras un modèle de la Pallas du Parthénon placé sur un socle, est une évocation puissante de la plus haute figure d’artiste que l’antiquité offre à notre vénération. On le retrouvera avec plaisir dans le jardin du Luxembourg, auquel il est destiné. La statue colossale d’Hændel, assis dans son fauteuil, par M. Salmson, exécutée avec ampleur, complétera bien, à l’Opéra, cette série de grands compositeurs dont faisait partie, au Salon dernier, le beau Gluck du pauvre Schœnewerk. Tout le monde a remarqué la candeur et la noblesse d’expression qui caractérisent le Gui d’Arezzo de M. Pech, et l’élégance aisée que M. Leofanti a donnée à son Joachim du Bellay, Parmi les statues contemporaines, celle du Docteur Broca, par M. Paul Choppin, mérite l’attention par la simplicité et la vérité de l’attitude. Parmi les projets de monumens funéraires, on distingue une figure drapée par M. Monier-Vauthier et surtout une admirable figure de Génie pleurant, destinée au tombeau d’un jeune peintre par M. Antonin Mercié. Dans cette figure naïve et saine d’enfant en pleurs, prêt à laisser tomber sa palette et ses pinceaux, on retrouve à la fois toute la franchise d’expression et toute la liberté d’exécution qui font de M. Mercié un si grand artiste.