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sont celles des opposans. Pourtant le gouvernement de l’empire est appuyé solidement par deux grands partis, les conservateurs et les nationaux-libéraux. Les premiers sont dévoués sans condition : toute leur politique est le loyalisme et l’obéissance. Les seconds se glorifient d’avoir fait l’unité ; ils s’en constituent les gardiens et les défenseurs. Ils se vantent de n’avoir point de théorie, d’être des hommes pratiques, de tenir compte du temps et des circonstances : ce sont les opportunistes de l’Allemagne. Eux et les conservateurs recueillent environ la moitié des suffrages exprimés dans les élections. L’entente entre ces deux groupes n’est ni cordiale ni profonde, car le conservateur allemand subit avec répugnance les réformes introduites dans la vie civile et religieuse du peuple allemand par les nationaux-libéraux ; mais ils font masse contre les opposans, et la situation parlementaire serait très nette, si les progressistes ne s’interposaient entre les partis hostiles et les fidèles.

Les progressistes ne séparent pas la liberté de l’unité; ils veulent acheter l’unité par la liberté. Ils entendent que le peuple allemand s’initie à ses affaires, s’y intéresse, les fasse lui-même. La souveraineté nationale, la prédominance du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, la responsabilité ministérielle sont les articles principaux de leur programme, lis ont, non pas une grande force ni une grande originalité, mais une grande importance, car ils sont par excellence le parti parlementaire, les adversaires des droits du pouvoir personnel, les défenseurs du Reichstag. Les catholiques et les socialistes ne considèrent la liberté que comme une arme de combat, mais ils ont les plus graves raisons de se défier du pouvoir personnel; aussi, quelque différens qu’ils soient des progressistes, s’accordent-ils avec eux pour faire échec au système et à l’esprit général de la constitution. Inspirés par d’autres sentimens, les protestataires sont à leur façon les champions des prérogatives du parlement. Les nationaux-libéraux eux-mêmes, si dociles qu’ils se montrent aujourd’hui, ne peuvent aller jusqu’à l’abdication définitive des droits politiques, car ils perdraient la moitié de leur nom et toute leur raison d’être. Enfin, il est dans la nature des choses qu’un parlement se prenne au sérieux par cela même qu’il existe. On ne place point des députés dans une salle des séances, en face d’un ministre qui discute les plus hautes questions de la politique, sans éveiller en eux l’idée que la nation a son mot à dire sur cette politique, qui peut assurer ou compromettre son existence. On n’étale point à leurs yeux la grandeur et les attraits du pouvoir, sans leur donner à penser qu’en d’autres pays, au lieu d’un chancelier unique et omnipotent, il y a une douzaine de ministres,