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le Zollverein et l’armée ont fait sa fortune et l’ont conduite à l’empire ; elle a transformé le Zollverein en institution et versé l’Allemagne dans l’armée prussienne. Pouvait-elle faire autre chose?

Il est tout naturel encore que l’esprit du gouvernement prussien se retrouve dans les titres politiques proprement dits de la constitution. Ils sont au nombre de quatre : territoire de l’empire, conseil fédéral (Bundesrath), présidence, parlement de l’empire (Reichstag). Le premier définit le territoire par l’énumération des états dont il se compose. Les trois autres contiennent les attributions de l’empereur, du conseil fédéral et du parlement. L’empereur procède directement des victoires remportées par la Prusse sur l’Allemagne en 1866 et par l’Allemagne sur la France en 1871, mais il a reçu la dignité impériale des mains des princes allemands, qui l’ont prié à Versailles de la vouloir bien accepter. Guillaume, roi de Prusse par la grâce de Dieu, ne pouvait être promu que par la victoire, qui est un don de Dieu, et par le suffrage d’hommes que la grâce de Dieu a faits souverains. Le conseil fédéral compte cinquante-huit voix, réparties proportionnellement entre les divers états: il est comme un congrès permanent des délégués des princes. Le parlement au contraire représente la nation entière. Quelles relations sont établies entre ces trois pouvoirs?

« Le pouvoir législatif de l’empire est exercé par le conseil fédéral et par le parlement. » Voilà qui est net. « l’accord des deux majorités des deux assemblées est nécessaire et suffisant pour édicter une loi d’empire[1]. » De l’empereur, il n’est pas question. Cela est de tout point parlementaire; mais, dans le conseil fédéral, le tiers des voix environ appartient au roi de Prusse, et ce n’est un secret pour personne qu’il est toujours assuré d’y trouver une majorité. Cependant il a bien fallu prévoir qu’une opposition du conseil fédéral était possible, puis c’était faire une concession grave au parlement de la nation allemande que de lui reconnaître le droit de consentir la loi. La législation de l’empire comprenant la marine et l’armée, le Reichstag pourrait à son gré organiser, désorganiser, supprimer même les forces de l’empire. Aussi la constitution a-t-elle mis au-dessus de tout débat non-seulement le principe du service militaire, mais toutes les applications de ce principe, jusque dans leurs moindres détails, et elle a donné à l’empire des ressources financières permanentes pour faire vivre cette armée. A l’armée et aux finances, il ne peut être touché sans la permission de la Prusse ; car l’article que nous avons cité tout à l’heure et qui débute si bien s’achève ainsi : « Pour les projets de loi sur l’armée,

  1. Art. 5 de la constitution.