Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours parallèles entre eux. Cette indépendance montre, en outre, que les plans de clivage se sont produits, non-seulement après que les terrains où ils se manifestent s’étaient déposés, mais encore après qu’ils avaient perdu leur horizontalité première. La disposition schisteuse, très fréquente dans les roches fossilifères les plus anciennes, persiste parfois dans des terrains beaucoup plus récens, lorsque ceux-ci ont été soumis à des dislocations énergiques. En maintes localités des Alpes, des ardoises sont exploitées jusque dans le terrain tertiaire, en Dauphiné, par exemple, et dans les Basses-Alpes.

Un caractère important des roches schisteuses consiste dans les déformations considérables des fossiles qu’on y rencontre; tels sont les crustacés fossiles appelés trilobites des ardoises d’Angers. Ailleurs, et non moins fréquemment, ce sont des débris de mollusques désignés sous le nom de bélemnites, qui ont été tronçonnés et dont les segmens sont plus ou moins écartés, comme on l’a observé dans les Alpes et particulièrement dans le massif du Mont-Blanc.

Depuis que la schistosité a été reconnue indépendante de la stratification, la cause d’une disposition géométrique aussi remarquable et aussi générale est devenue l’objet de diverses hypothèses. On l’a successivement attribuée à des effets électriques, au magnétisme terrestre, à la chaleur du globe et à un commencement de cristallisation. Mais des observations exactes ont appris que la production du clivage dans les terrains stratifiés se montre en rapport, d’une part, avec les actions qui ont déformé les fossiles dans les mêmes couches ; d’autre part, avec les axes de redressement et les grandes lignes de dislocation. Selon toute probabilité, ce phénomène devait donc être attribué à des actions mécaniques.

Des expériences fort simples ont confirmé la démonstration. L’argile soumise à une compression se lamine en prenant une texture feuilletée; mais il faut qu’elle possède un degré particulier de plasticité : trop sèche, elle se brise ; trop molle, elle se lamine, sans que les feuillets puissent s’isoler. J’ai obtenu des résultats plus décisifs encore en contraignant l’argile à s’écouler, sous la forme d’un jet, à l’aide de la presse hydraulique. Dans ce cas, des feuillets très nets se produisent, et cela, sur des bandes de plusieurs mètres, dans le sens même de la pression et du mouvement. Toutes ces pâtes feuilletées artificielles rappellent complètement, par l’aspect de leur cassure, les roches schisteuses naturelles. Dans ces divers écoulemens de la masse plastique, les particules voisines ne marchent pas uniformément; les différences de vitesses qu’elles acquièrent les font glisser les unes sur les autres, et la texture schisteuse, conséquence directe de ce glissement, est, on le conçoit sans