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il avait cru fixer et lier l’empereur Alexandre dans l’intérêt de sa politique européenne comme dans l’intérêt de sa politique allemande. C’était la première grande réunion des souverains et de leurs principaux ministres depuis 815. Ce congrès d’Aix-la-Chapelle, que M. de Metternich appelle un « joli congrès, » où tout se passait sans bruit, où l’on jouait au whist dans le salon de lady Castlereagh entre deux protocoles, avait un objet ostensible, le règlement des affaires de France par le rappel définitif de l’armée étrangère d’occupation ; il avait aussi une partie moins avouée, toute confidentielle. M. de Metternich avait profité de la réunion des souverains pour donner une force nouvelle à la politique de haute conservation, pour resserrer et maintenir par des engagemens secrets la « quadruple alliance, » au moment même où la France de la restauration allait rentrer comme cinquième puissance dans les conseils de l’Europe. On s’était rapproché, on s’était entendu ou l’on avait paru s’entendre. On avait essayé de renouer la vieille intimité des cours. « j’ai passé trois heures chez l’empereur Alexandre, écrivait M. de Metternich ; nous nous sommes retrouvés comme en 1813. » L’entente, toutefois, n’avait ni précision ni sanction en 1818 ; elle manquait d’objet, elle n’empêchait même pas M. Capo d’Istria de reprendre bientôt sa guerre de circulaires libérales à laquelle M. de Metternich répondait par des railleries.

On n’avait rien fait, quand coup sur coup, comme une traînée de poudre, éclataient, au courant de 1820, les événemens les plus inattendus, qui ne pouvaient que rapprocher et confondre les politiques des cours, en donnant un but à l’alliance. Le 1er janvier 1820, l’Espagne avait sa révolution libérale proclamée militairement. Le 2 juillet, autre révolution à Naples, prenant pour drapeau la constitution espagnole et imposant cette constitution au roi. Peu après survenait une révolution en Portugal. Encore quelques mois, le 10 mars 1821, le Piémont suivait le mouvement. La contagion gagnait de toutes parts. L’effet de ces révolutions nouvelles, surtout des révolutions d’Italie, venant si peu après le meurtre de Kotzebue en Allemagne, presque au lendemain de l’assassinat du duc de Berry en France, était aussi prompt que décisif sur les cabinets, qui sentaient le besoin de faire face au péril. L’Espagne était loin, difficile à atteindre, presque séparée du continent par la France ; on s’occupait d’abord de Naples et de l’Italie. On voulait aller au plus pressé, et alors se déroule ce qu’on pourrait appeler le drame à la fois diplomatique et militaire de la sainte-alliance en action : drame dont le congrès d’Aix-la-Chapelle n’avait été que le vague et obscur prologue, qui se noue au congrès de Troppau, s’engage décidément au congrès ; de Laybach, pour ne plus s’arrêter qu’après