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Au moment même où il touche au succès, cependant, un contretemps imprévu vient le surprendre tout à coup à Laybach. Le feu qu’on va éteindre à Naples se rallume dans le nord de l’Italie : le 10-12 mars 1821, une révolution militaire a éclaté à Alexandrie et à Turin, toujours sous le drapeau de la constitution espagnole ! M. de Metternich ne se déconcerte pas ; au messager qui vient lui porter la nouvelle, il répond : « c’est bien, je m’y attendais ! » Il se rend aussitôt chez l’empereur François, chez l’empereur Alexandre ; en quelques heures des ordres aussi décisifs que laconiques sont expédiés. Cent mille Autrichiens de plus vont descendre en Italie ; ils seront suivis, s’il le faut, de quatre-vingt-dix mille Russes, « Sur quoi, ajoute d’un ton dégagé le chancelier autrichien, nous nous sommes séparés pour dîner comme à l’ordinaire… » Il faut avouer que cette révolution piémontaise, œuvre de quelques jeunes gens au cœur généreux, les Santa-Rosa, les Collegno, les Lisio, patronnée en apparence par le prince qui doit être un jour le roi Charles-Albert, est du premier coup bien malade. Elle n’est pas faite pour résister longtemps aux forces déployées contre elle. Elle ne tarde pas à finir, comme à Naples, par des capitulations, par une restauration d’absolutisme, par la disgrâce du prince de Carignan. Avant qu’un mois soit écoulé, dès le 6 avril, M. de Metternich écrit : « Dans l’espace de six semaines, nous avons fini deux guerres et étouffé deux révolutions !.. » Un mois plus tard, avant de partir de Laybach, il ajoute : « Je suis au moment de quitter cette belle et bonne ville. Elle a fait dans le monde bien du bruit, mais il passera comme passe tout bruit. Ce qui, toutefois, durera davantage, c’est le résultat. Nous avons fait de bonnes et grandes choses. » L’œuvre de Troppau et de Laybach était accomplie au-delà des Alpes !

Restait cependant une autre révolution, celle qui avait mis tout en branle, qui avait été comme le modèle des insurrections italiennes, la révolution espagnole. Celle-ci avait été préservée dans sa première explosion par l’éloignement, par la difficulté qu’il y avait à la saisir ; les affaires de Naples et du Piémont absorbaient d’ailleurs l’attention. C’était pourtant toujours la révolution avec ses menaces et ses contagions, une révolution qui tenait Ferdinand VII, le moins intéressant des rois, mais un roi, dans une sorte de captivité, qui, loin de s’apaiser, semblait se perdre de plus en plus dans l’anarchie. On en revenait bientôt à l’idée d’en finir avec ce dernier foyer révolutionnaire. Les puissances, qui en se séparant, en 1821, avaient pris rendez-vous pour l’année suivante, se retrouvaient effectivement à l’automne de 1822, et, par le fait, le congrès de Vérone n’était que la suite ou le couronnement des congrès