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de Troppau et de Laybach : c’était le troisième acte du drame ! Les mêmes personnages souverains, avec leurs ministres, composaient cette réunion nouvelle, où la France se faisait représenter par MM. de Montmorency, M. de La Ferronays, M. de Caraman, ambassadeur à Vienne, et le plus brillant de tous, le plus impatient d’action, M. de Chateaubriand. La délibération avait le même objet, la lutte contre tout ce qui menaçait l’ordre conservateur en Europe. Les allaires italiennes une fois réglées, la révolution espagnole devenait le principal ennemi, et comme l’intervention à Naples était sortie du congrès de Laybach, l’intervention en Espagne sortait du congrès de Vérone. Cette fois, c’était la France qui prenait le premier rôle, qui gardait son indépendance sans doute, qui recevait aussi un mandat de l’Europe, qui, selon le mot d’un des ministres du temps, se trouvait dans l’alternative « d’aller combattre la révolution au-delà des Pyrénées ou d’aller la défendre sur le Rhin. » Tout avait été réglé ou prévu à Vérone, la guerre de la France avec l’Espagne, le cas où l’appui moral et même matériel des autres puissances pourrait être invoqué. De là cette expédition de 1823, que les cours de l’Europe faisaient précéder d’une démonstration diplomatique, que la France se chargeait d’exécuter, un peu par nécessité peut-être, un peu aussi par entraînement, par une secrète impatience d’essayer ses forces militaires et de retrouver un éclair de gloire.

Chose curieuse ! M. de Metternich avait plus que tout autre contribué à décider l’action en Espagne ; il se flattait même selon l’habitude d’avoir tout fait dans le congrès de Vérone, « le plus important, disait-il, qui ait été tenu depuis 1814. « Il ne laissait pas cependant d’avoir de l’humeur, de la méfiance, quelquefois presque du mauvais vouloir à l’égard de la puissance chargée de l’intervention « pour la cause commune à l’alliance. » Ce n’est pas qu’il désavouât ostensiblement le principe, qu’il cessât de s’intéresser à « l’opération salutaire et généreuse » entreprise par la France. À une insinuation de l’Angleterre essayant de le ramener à une certaine neutralité dans les affaires d’Espagne, il répondait : « l’idée de la neutralité dans cette lutte est incompatible avec notre système politique… L’empereur ne saurait se déclarer neutre lorsqu’il s’agit de soutenir un principe sur lequel repose l’existence de son empire. » À son ambassadeur à Paris, il ne cessait de répéter : « La cause de la France est celle de l’Europe, tout comme la cause de l’Europe est celle de la France. » Dès que l’expédition était commencée, il écrivait de son ton léger : « On n’est occupé ici que de l’Espagne et de l’opéra italien. Si la guerre continue de marcher aussi bien que l’opéra, l’Europe est sauvée… — Vienne est sur les bords de l’Ebre. Les