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madones du musée de Berlin dont nous avons parlé ici même[1], et dans des travaux plus importans que la réputation naissante du jeune artiste lui avait fait confier à Citta di Castello, notamment dans le Couronnement de la Vierge (musée du Vatican), dans un Christ en croix (chez lord Dudley, à Panshanger, près de Londres), où les types de femmes et les draperies sont tout à fait péruginesques, et surtout dans le Sposalizio (musée de Brera), dont l’ordonnance générale et la plupart des détails se retrouvent assez exactement, mais en contre-partie, dans le tableau du Pérugin que possède aujourd’hui le musée de Caen. Les gravures de ces deux derniers tableaux, juxtaposées dans le livre de M. Müntz, permettent de les comparer directement entre eux, et montrent avec quelle intelligence et quel sentiment exquis des convenances le Sanzio, en copiant presque identiquement la composition de son maître, a su l’améliorer par les modifications légères qu’il y a introduites.

Les rapports que Raphaël eut alors avec Pérugin ne devaient pas être de longue durée, ce dernier ayant quitté Pérouse vers la fin de 1503 pour se rendre à Florence; mais ils ne cessèrent jamais d’être affectueux. L’Urbinate avait le secret de plaire à tous ceux qui l’approchaient ; à force de cordialité et de modestie, il se faisait aussi pardonner sa supériorité par les camarades d’atelier qu’il put avoir à ce moment, comme G. Manni et le Spagna. A Pérouse même, il dut également se trouver en relations avec un maître presque aussi en vue que Pietro Vannucci. Plus superficiel et moins savant, le talent de Pinturicchio avait aussi plus d’éclat et plus de vie. Le mouvement et la richesse de ses compositions frappèrent certainement Raphaël, qui pouvait apprécier l’intérêt et la variété de scènes plus animées que celles qu’il avait traitées jusque-là. C’est sans doute la liaison formée alors entre les deux artistes qui détermina peu de temps après Pinturicchio à appeler auprès de lui son jeune ami pour l’aider dans les importans travaux de décoration que le cardinal Piccolomini venait de lui confier à la Libreria de la cathédrale de Sienne. Mais, malgré les sérieux argumens invoqués par M. Müntz, nous pensons que, dans cette collaboration, Raphaël ne sortit pas du rôle subalterne qui convenait à son âge, — il avait alors vingt ans, Pinturicchio cinquante, — et à la grande situation du maître qui l’employait. Celui-ci, d’ailleurs, d’après les termes mêmes du contrat qu’il avait souscrit, était tenu de faire « de sa propre main, dans les cartons, comme sur les murailles, tous les dessins des épisodes qu’il devait traiter[2]. » Nous croyons que, si remarquables qu’elles

  1. Les Musées de Berlin: la galerie de tableaux, Revue du 1er mai 1882.
  2. Vasari : édition Le Monnier, t. V, p. 287.