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Pace, les importantes décorations de la Farnésine, des portraits, des tableaux religieux et bien d’autres travaux encore, terminés en un si court intervalle, attestent l’infatigable activité de Raphaël. Grâce à sa souplesse merveilleuse, il passe, avec une incomparable aisance, d’un sujet à l’autre, et dans un même sujet, il sait allier les qualités les plus opposées. Est-il besoin d’ailleurs de remarquer, en présence de cette production sans trêve, l’inégalité d’œuvres qui, de plus en plus, trahissent la hâte d’une exécution à laquelle trop souvent le maître reste tout à fait étranger? Ainsi que le remarque M. Müntz, la mort de Bramante (mars 1514) avait été pour Raphaël un véritable malheur, et cette charge de la direction des travaux de Saint-Pierre, ajoutée à tant d’autres obligations, fut désastreuse pour son art. Intelligent, avide de s’instruire comme il l’était, le Sanzio avait senti la nécessité d’une étude plus approfondie de l’architecture. Ce furent donc là des préoccupations et des soins nouveaux et qui, en réalité, ne devaient aboutir qu’à d’assez médiocres résultats, car le rôle de Raphaël dans la réédification de Saint-Pierre se borna à quelques travaux de consolidation, n’ayant aucun intérêt esthétique. Quant aux constructions qu’il éleva lui-même, si l’on y trouve cette pureté de goût et cette justesse de proportions qu’on observe dans toutes ses œuvres, elles ne dénotent cependant pas une grande richesse d’invention, et l’artiste s’y montre simplement le fidèle continuateur des traditions de Bramante. La mission que le pape lui confiait bientôt après (27 août 1515), de rechercher les inscriptions anciennes existant dans Rome et de veiller à leur conservation, allait encore entraîner pour lui des recherches auxquelles son désir de mieux connaître les monumens de l’antiquité lui fit prendre un intérêt croissant, mais qui l’absorbèrent de plus en plus. Il y a donc lieu de s’étonner qu’en dépit de cette dispersion d’efforts et de toutes ces exigences auxquelles il lui fallait pourvoir, puisque en réalité il remplissait auprès de Léon X l’office d’un surintendant des beaux-arts, Raphaël ait encore pu, dans les dernières années de sa vie, produire quelques-unes de ses œuvres les plus accomplies : la Sainte Cécile, la Vierge de Saint-Sixte, et cette magnifique série des cartons des Actes des apôtres, dans lesquels son génie apparaît avec une puissance et un éclat qu’il n’avait jamais atteints.

Dans cette existence si disputée, quelle place pouvait-il rester pour un sentiment auquel l’âme tendre de Raphaël et les séductions mêmes qu’il était si bien fait pour inspirer semblaient en quelque sorte le prédisposer ? C’est là un côté de sa vie, qui, jusqu’à présent, est resté assez ignoré. Quelques-uns des dessins qui, en 1509, ont servi à la préparation de la Dispute du Saint-Sacrement (dans la collection de l’Albertine et au British-Museum), portent, au revers,