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de leurs mouvemens, les docteurs et les pères de l’église se déploient suivant deux lignes ascendantes qui, avec d’insensibles inflexions, s’élèvent jusqu’au centre. Par une gradation inverse, les lignes du paysage s’abaissent des extrémités vers le milieu, pour laisser, bien visibles entre elles et se détachant sur les profondeurs infinies de l’espace, l’autel et l’hostie qui le domine, offerte ainsi aux regards et à l’adoration des assistans. De chaque côté de cet espace resté libre, et afin de mieux attirer et fixer sur ce point l’attention des spectateurs, les deux personnages les plus proches précisent par leurs gestes éloquens la signification de la scène, l’un constatant la vérité du sacrifice, l’autre montrant le ciel avec la Vierge, les anges et les élus qui entourent la Trinité.

Malgré le nombre des figures, l’aspect de l’œuvre, est simple et parle nettement aux yeux. Avec quel art ces figures sont réparties, reliées entre elles, subordonnées les unes aux autres de manière à concourir toutes à l’expression de l’ensemble ! Avec quelle clarté le sujet a été compris et rendu ! Quelle symétrie et quel ordre délicatement voilés président à l’équilibre des masses, à la découpure des silhouettes, à la direction des lignes qui enferment et maintiennent cette imposante structure et répondent ainsi à la majesté et à la grandeur du sujet lui-même ! Toutes les lois de la composition et jusqu’aux nuances les plus délicates de cet art difficile ont trouvé leur consécration dans cette fresque célèbre, qui, selon l’observation de M. Müntz, « est plus qu’un chef-d’œuvre, et marque une date décisive dans le développement de l’esprit humain. »

Avec l’École d’Athènes, Raphaël avait à traiter une donnée non moins abstraite et qui présentait en outre cette difficulté toute spéciale de rapprocher les uns des autres dans un même cadre des hommes dont les doctrines offrent entre elles des divergences extrêmes. Mais le travail dont la Dispute du Saint-Sacrement fut pour lui l’occasion avait procuré au maître une possession plus complète des ressources de son art. Avec moins d’efforts, il produisit une œuvre encore supérieure à la première. Sans vouloir entrer dans un examen détaillé des autres fresques du Vatican, nous devons signaler ici la souplesse dont il fait preuve en abordant successivement les sujets les plus variés. La fermeté de son bon sens, la netteté de son esprit ne sont pas moindres, et non-seulement il s’attache toujours à donner aux scènes qu’il représente un caractère de vraisemblance, mais c’est des entrailles mêmes de la réalité qu’il tire leur poésie. Tout au plus faudrait-il faire une exception pour l’Incendie du Borgo. Ces gens effarés, qui s’enfuient précipitamment de maisons encore en construction et dont les murailles nues ne sauraient alimenter les flammes qui s’en échappent, le sauvetage de cet enfant emmaillotté que sa mère veut préserver d’un