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D’abord le ministre de la guerre, le général Cassola, en portant sa réforme au congrès, ne s’est pas souvenu qu’il y avait déjà des projets soumis par ses prédécesseurs au sénat, que des commissions sénatoriales avaient été nommées pour examiner ces projets, et il en est résulté du premier coup entre les deux chambres une sorte de conflit fort embarrassant pour le gouvernement et pour ses amis. De plus, l’impétueux collègue de M. Sagasta s’est jeté dans cette entreprise sans tenir compte de l’opposition qu’il allait rencontrer, non-seulement parmi les chefs parlementaires les plus accrédités, mais parmi les chefs militaires, sénateurs ou députés, — le général Martinez Campos, qui est gouverneur de Madrid, le général Primo de Rivera, directeur de l’infanterie, le général Daban, le général Lopez Dominguez, et pour vaincre cette opposition, il a eu recours à un moyen étrangement équivoque : il a encouragé ou permis des manifestations dans une partie de l’armée, dans certains corps de troupes. Le fait a été avéré! Enfin, le général Cassola a eu la prétention d’imposer ses projets aux chambres comme à ses collègues, d’en précipiter la discussion, d’enlever les réformes de haute lutte aux derniers jours d’une session. Bref, le ministre de la guerre espagnol, comme d’autres ministres de la guerre que nous connaissons bien, a procédé fort légèrement. Il a mis le feu un peu partout, et il n’a réussi qu’à créer une situation des plus aiguës, qui n’a pas tardé à se dévoiler, qui s’est particulièrement manifestée au sénat par une scène pénible entre le ministre de la guerre et le général Primo de Rivera, directeur de l’infanterie. Au milieu d’explications des plus vives, le ministre de la guerre a prononcé publiquement, en plein sénat, la révocation du directeur de l’infanterie. Évidemment, le général Cassola usait de son droit dans le fond, sinon dans la forme : l’opposition d’un fonctionnaire militaire à son chef est un danger pour l’ordre dans l’armée, et, à dire vrai, la moralité de cette scène serait qu’il ne doit pas y avoir de militaires en activité dans les parlemens; mais, en fin de compte, le général Primo de Rivera, qui est sénateur en même temps qu’il était directeur de l’infanterie, ne faisait qu’exprimer l’opinion de beaucoup d’autres généraux : il avait sûrement l’appui de quelques-uns des membres du cabinet. Le conflit qui venait d’éclater dans le sénat n’était pas fini ; il risquait de se reproduire dans le congrès, de s’envenimer, et le ministère, pour couper court à tout, n’a plus eu d’autre ressource que de porter au plus vite le décret de prorogation aux chambres.

On s’est délivré sans doute du danger d’être entraîné à des discussions compromettantes devant les certes, d’avoir à se prononcer sur les projets du ministre de la guerre; on aura pour quelques mois la paix parlementaire, soit. Le ministère espagnol ne reste pas moins dans une situation diminuée et équivoque dont les derniers incidens de la session ont mis à nu toute la faiblesse. L’expérience du cabinet de transaction