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le plaisir d’une existence tranquille. Faites que je puisse vous voir tous unis et heureux, et rendre grâces à Dieu de la liberté et de la concorde rétablies dans tout l’univers. »

Mais il ne se contente pas de gémir, il lui arrive de menacer. Songeons qu’il s’attribuait la mission de ramener la paix dans l’église ; c’était pour lui une affaire de conscience « de dissiper les erreurs, d’arrêter les témérités, et de faire rendre par tout le monde à la vraie religion et à Dieu les honneurs qui leur sont dus. » Ce qui l’attachait surtout à son œuvre, c’est qu’il en attendait une magnifique récompense : il espérait, s’il pouvait y réussir, qu’il continuerait à être heureux dans toutes ses entreprises ; au contraire, si les dissensions intérieures persistaient, « la divinité pourrait bien finir par se fâcher et faire sentir sa colère non-seulement au genre humain tout entier, mais au prince lui-même. » Son intérêt personnel se trouvait donc ici d’accord avec ses convictions, et il travaillait pour lui en même temps que pour Dieu. C’est ce qui explique que, quand on lui résistait, la patience lui ait souvent échappé. Il adresse alors à ces obstinés des paroles cruelles : « Ennemis de la vérité et de la vie, conseillers d’erreur, tout chez vous respire le mensonge, tout est plein de sottises et de crimes, etc. » Ce qui est plus grave que des paroles, c’est qu’il n’a pas pu se défendre de les frapper quelquefois de peines sévères. Cependant il faut lui rendre cette justice que de lui-même, quand il n’était pas aveuglé par la colère, il allait naturellement vers la tolérance. S’il a quelquefois persécuté les hérétiques dans un moment de mauvaise humeur, nous le voyons ailleurs féliciter les évêques d’Afrique de s’être montrés concilians envers les donatistes, et leur adresser ces belles paroles, qui auraient dû être la règle de toute sa conduite : « Dieu se réserve le droit de venger ses injures ; il faut être fou pour se permettre de l’exercer à sa place. »

C’est à peu près de la même manière qu’il s’est conduit avec les païens. Pas plus qu’aux hérétiques il ne leur a ménagé les sermons. L’argument dont il se servait avec eux était toujours le même : pour prouver la supériorité du christianisme sur l’ancien culte, il énumérait tous les succès qu’il avait obtenus depuis sa conversion : était-il possible qu’on hésitât à se précipiter vers les autels d’un Dieu qui traitait si bien ses fidèles ? Cependant ce raisonnement, malgré sa simplicité, ne parvenait pas à convaincre tout le monde ; il restait des obstinés qui fermaient les yeux à cette lumière. Constantin avait beaucoup de peine à le comprendre, et plus de peine encore à le pardonner. Quand un prince se met de sa personne dans les controverses théologiques et qu’il engage son amour-propre à gagner les ennemis de sa doctrine, il lui est très pénible de ne pas