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toujours par le côté scientifique qu’Auguste Comte se rattache au XVIIIe siècle.

Indiquons encore d’autres circonstances qui ont leur place dans les origines de la philosophie positive. Auguste Comte était un élève de l’Ecole polytechnique. Il y entra en 1814. Saint-Simon, son maître, avait eu de fréquens rapports avec cette école, alors toute nouvelle et dans tout son éclat. Lorsque, après la révolution, il commença à être saisi de la passion de la science, il était venu prendre son domicile en face de l’école. Il en connaissait les professeurs, qu’il invitait à dîner. Il était particulièrement en rapport avec Monge, qu’il avait connu à Metz dans sa vie de garnison. Il connut aussi particulièrement Poisson, dont il fit les frais d’étude. Plus tard, dans ses projets politiques, l’École polytechnique fut toujours un des pivots sur lesquels il faisait reposer la société future, où l’empire devait appartenir à la science et non à la force. Aussi est-ce à l’École polytechnique qu’il dut ses principaux disciples, Enfantin, Transon, Michel Chevalier et enfin Auguste Comte. Celui-ci devint plus tard et resta toute sa vie examinateur de l’école. De tous-ces faits nous pouvons conclure que la philosophie d’Auguste Comte pourrait être définie la philosophie de l’École polytechnique.

Ce n’est pas cependant la seule école qui ait le droit de revendiquer sa part dans la construction de la philosophie positive ; une autre y contribua également : c’est l’École de médecine. Saint-Simon nous apprend, en effet, qu’après être resté trois ans près de l’École polytechnique, croyant sans doute avoir suffisamment exploré le champ des sciences mathématiques, il s’éloigna en 1801 de ce voisinage, pour aller s’établir près de l’École de médecine et nouer avec les membres de cette école des relations nouvelles. Nous verrons aussi que c’est un médecin, un des amis de Saint-Simon, le docteur Burdin, qui suggéra le premier à celui-ci, et peut-être par lui à son disciple, le premier germe de la théorie des trois états, principe fondamental de la philosophie positive. Nous avons signalé également l’influence de Broussais et du docteur Gall. Enfin, n’oublions pas que le grand vulgarisateur de la philosophie de Comte a été Littré, le traducteur d’Hippocrate, qui, sans être médecin, a fait cependant des études de médecine. La doctrine de Comte doit donc à cette seconde source autant qu’à la précédente, et l’on peut dire qu’elle est à la fois la philosophie de l’École polytechnique et de l’École de médecine.

Après avoir ainsi tracé d’une manière générale la filiation et la généalogie de l’école, insistons plus particulièrement sur l’influence qui a été, pour Auguste Comte, la plus prochaine et la plus