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seulement, celui de Bombay, des bijoux à monnayer pour une valeur de 332 lacs de roupies, soit 79 millions d’argent.

Cette richesse éblouissante est devenue une calamité pour l’Inde et même pour l’Angleterre. L’Inde anglaise est redevable envers l’Europe de sommes considérables. La liquidation de l’ancienne compagnie, les guerres résultant des extensions incessantes, les famines périodiques en ces contrées, les travaux publics, les pensions de retraite au profit des agens d’origine britannique ont donné lieu à de fréquens emprunts. Les efforts faits pour assimiler autant que possible les peuples assujettis en leur procurant les avantages de la civilisation ont été gigantesques ; ils excusent les iniquités de la conquête et les abus de la force. Pour les chemins de fer construits par l’état ou avec ses garanties, il résulte d’un relevé parlementaire établi en mars 1878 que la somme employée montait déjà à 2 milliards 876 millions de francs (115,059,456 livres sterling), et il est probable que depuis 1878 on y a consacré 1 milliard de plus. Pour toutes ces affaires, la force motrice réside dans les capitaux anglais ; une rémunération leur est bien due, et, chaque année, le ministre des finances indiennes doit faire parvenir à Londres des valeurs que le gouvernement réalise et distribue entre les ayant-droit. Pour le précédent exercice, par exemple (1885-1886), les prévisions budgétaires s’élevaient à 1,802 millions de francs, provenant des recettes fiscales applicables aux besoins du pays, et à 2 milliards 236 millions, si on y ajoute les prélèvemens de diverse nature dont se composent les remises faites à la métropole et afférentes, soit à l’état, soit aux capitalistes créanciers. Tous les contrats qui donnent lieu à ces paiemens ont pour base la monnaie d’or, ce qui met le gouvernement indien dans l’obligation d’acheter de l’or en Europe, c’est-à-dire de prendre à sa charge la perte sur les changes. L’opération est pratiquée à Londres par l’entremise de la banque d’Angleterre, où l’on met de temps en temps en adjudication des titres de la trésorerie indienne (Indian council Bills), comportant la quantité de roupies d’argent nécessaires pour obtenir en livres sterling d’or le montant de la redevance annuelle. Les adjudications correspondent naturellement au cours déprécié du métal argent. Pour l’exercice 1885-1886, les remises à faire en Europe devaient monter à 344 millions de francs ; le secrétaire des finances indiennes a prévu une perte de 89 millions pour achat d’or, et il a inscrit cette somme en dépenses au budget de l’année. C’est une aggravation dissimulée de ce que l’on nomme « le tribut indien. »

La perturbation monétaire qui sévit dans les Indes britanniques y produit des effets étranges : elle réagit diversement sur les différens groupes de la population. Dans l’espoir d’arriver par le relèvement de l’argent à la baisse du change, la coexistence des deux