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maasser, — de son gain ou de son revenu ; lorsqu’il se mariera, les pauvres recevront de lui le dixième de sa dot. Ce dernier usage semble malheureusement tomber en désuétude, comme si le respect des traditions s’émoussait au contact d’une civilisation parfois trop raffinée ; mais il y a cinquante ans, nul n’eût osé y manquer.

Le premier essai tenté pour réglementer la charité israélite de Paris date du 24 novembre 1809 ; après plusieurs pourparlers entre diverses confréries juives indépendantes les unes des autres, et sous l’impulsion du consistoire, on fonda le « comité consistorial de secours et d’encouragement, » dont les membres furent chargés : 1° de soigner les malades pauvres ; 2° de suivre les convois funèbres au nombre de dix ; 3° d’assister, en même nombre, aux prières du matin et du soir ; 4° de laver les morts, de les veiller, de creuser leur tombe. Ce n’était qu’une organisation provisoire, mais il fallut attendre bien des années avant qu’elle fût modifiée d’une façon sérieuse. Le premier acte du comité, en dehors de ses attributions définies, semble avoir eu pour but de prendre possession de l’exercice des droits communs et de réagir contre les ordonnances dont jadis on avait été frappé ; à cet effet, tous les ans, on présentait au consistoire dix enfans âgés de treize à quinze ans, intelligens, aptes au travail, qui, aux frais du comité, devaient entrer « en apprentissage d’arts et de métiers, » et affirmaient de la sorte que l’édit royal du 14 août 1774 n’était plus que lettre caduque. Une autre préoccupation tenait et tient encore le comité en éveil ; par tous moyens, il essaya de détruire la mendicité israélite, qui, à certains jours de fêtes religieuses, encombrait les abords des lieux de prières ; on y réussit mal. En 1828, on étudia théoriquement la question ; on décida de laisser les mendians en dehors de toute bienfaisance : leur nombre augmenta presque immédiatement, comme s’ils eussent voulu protester contre une mesure hostile à leurs habitudes. Le consistoire rend des arrêtés : « L’indigent malade par suite d’ivresse ou d’inconduite n’a droit à aucun secours ; » peine perdue, la mendicité n’est point le privilège d’Israël, elle est inhérente à toute race et à toute croyance, elle est le produit de la double imperfection de l’homme et de la civilisation ; on a beau la combattre, on ne peut la vaincre, elle persiste et reste maîtresse du terrain qu’on lui dispute : sous ce rapport, les juifs ne sont pas plus habiles que les chrétiens. Partout et toujours il y a eu et il y aura des hommes qui, au gain du travail rémunéré, préféreront les chances de la quémanderie geignarde et de la main tendue. Malgré des efforts qui ne se sont point ralentis depuis près de quatre-vingts ans, le comité israélite ne me parait pas, à cet égard, plus avancé aujourd’hui qu’en 1809.

L’œuvre bienfaisante s’était développée un peu au hasard, d’une