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Read, assistèrent à la cérémonie et lui donnèrent un caractère officiel. Selon l’usage, on prononça quelques discours et l’on souhaita toute prospérité au nouvel établissement ; ces vœux lui ont porté bonheur, car depuis ce jour, depuis le 26 mai 1852, il s’est dilaté dans de vastes proportions. Six semaines après, le 2 juillet, l’hospitalette de la rue des Trois-Bornes était fermée, après avoir, en l’espace de dix ans, abrité et soigné 1,374 malades ; on voit que ses douze lits avaient fait bon service. Au mois de septembre 1853, la nouvelle maison était complète, on le croyait du moins, car elle contenait deux divisions, celle des malades adultes, — 46 lits, et celle des vieillards admis au repos, — 34 lits. Il nous suffira de la visiter avec quelque détail pour constater l’importance des développemens successifs dont elle a profité.

Elle s’ouvre dans la rue Picpus, rue excentrique, allongée entre la place du Trône et le bastion numéro 5, rue paisible, presque déserte, où les nourrisseurs ont installé leurs étables, que côtoient des congrégations religieuses, des asiles d’aliénés, et des établissemens attirés par le bas prix des terrains. J’y compte deux maisons de santé, l’hospice d’Enghien, les dames des Sacrés-Cœurs, que la commune enferma à Saint-Lazare, le cercle catholique des ouvriers du faubourg Saint-Antoine, les religieuses de la Mère de Dieu, les sœurs du Sacré-Cœur de Marie, les petites-sœurs des pauvres, les sœurs du Rosaire, les dames de l’Adoration perpétuelle, qui ont la garde du cimetière particulier où, depuis 1793, les Montmorency, les La Fayette, et les Noailles ont leur sépulture. Ce cimetière particulier est ce qui reste du cimetière de Picpus, que la première commune de Paris avait fait ouvrir non loin de la guillotine permanente, qui travaillait près de la barrière du Trône ; un décret du premier empire en concéda la propriété aux familles dont les ascendans y avaient été enterrés, après avoir été exécutés par ordre du tribunal révolutionnaire. L’histoire de cette rue serait à écrire et serait féconde. A l’heure où je l’ai parcourue, les portes des maisons étaient closes ; son aspect monacal et sa tranquillité contrastaient avec le tumulte de la grande ville, qui bruissait au loin.

Je suis entré dans l’hôpital Israélite, dont le vestibule est éclairé par un demi-jour discret qui semble inviter au silence. Un double escalier, sur le palier duquel se détache le buste du fondateur, conduit aux salles réservées aux malades. Les chambrées sont larges, très aérées, bien aménagées ; mais certains couloirs trop étroits, certains passages presque obscurs sont l’acte de naissance de l’hospice : 1851 ; les percées Haussmann dont nous jouissons aujourd’hui avec gratitude, et qu’il était de bon goût de maudire autrefois, n’avaient point encore, en multipliant les constructions, enseigné aux architectes l’art des distributions ingénieuses.