Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/841

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrivait, dans les derniers jours d’avril 1887 : « Les petits employés sont peu encouragés, et s’ils déploient trop de zèle, on les casse aux gages. Poursuivre un fraudeur est un risque terrible. L’employé y joue sa position, son pain. Pourquoi ? Parce que le fraudeur, pour peu qu’il ait une influence électorale, compte parmi ses amis des sénateurs, des députés qui feront congédier l’employé, obtiendront un blâme contre son chef de service et menaceront, s’il le faut, le ministre des finances de votes désagréables. Nous posons le doigt sur le vif de la plaie. » On ne saurait rien ajouter à ce tableau véridique. Le nouveau président du conseil, M. Rouvier, a déclaré à la chambre que le gouvernement ferait rentrer dans les caisses du trésor la totalité de ce que les impôts doivent produire. Nous nous permettrons de lui dire que le seul moyen effectif de remplir cet engagement, actuellement bien présomptueux, serait une loi qui assurât aux fonctionnaires, sous des conditions déterminées, la possession de leur emploi, et que lui-même pût opposer aux députés qui font l’honnête métier de délateurs.

Ce ne serait pas assez d’accorder des garanties aux fonctionnaires et de leur assurer un avancement régulier, ou, à défaut d’avancement, l’amélioration progressive de leur situation : il faut ‘encore leur faire de meilleures conditions au début. Il y a beaucoup de bien à dire de l’administration française, quoique la politique d’épuration en ait abaissé le niveau et affaibli la valeur morale ; elle a au plus haut degré la probité professionnelle ; elle a l’honorabilité de la vie privée ; elle supporte avec dignité sa misère. Les reproches qu’on peut lui adresser doivent retomber sur le gouvernement. C’est l’encombrement des cadres et le défaut de surveillance qui engendrent le désœuvrement ; c’est l’exiguïté d’un traitement trop faible pour suffire aux exigences de la vie matérielle qui conduit à chercher des occupations étrangères au service. Comment, ne manquera-t-on pas de dire, est-il possible d’améliorer la condition des employés sans grever encore un budget déjà surchargé ? La solution de ce problème est moins difficile qu’on ne pense. On la trouverait dans la suppression des emplois inutiles, dans une organisation plus rationnelle et une surveillance mieux entendue, enfin dans un meilleur système de recrutement. On peut obtenir plus de travail effectif en dépensant moins.

Comment se recrute le personnel administratif ? Ne parlons que pour mémoire des services de province. Malgré les efforts désespérés de M. Cochery, l’administration des postes est aujourd’hui acculée à employer des femmes en nombre de plus en plus grand, ce qui est un soulagement pour le budget et ce qui offre un débouché aux bachelières qu’on fabrique à la vapeur. Cette