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voracité extraordinaire, ils mangent l’herbe jusqu’à la racine et convertissent d’immenses pâturages, qui nourissaient 25 à 30 moutons à l’hectare, en terrains dénudés et poussiéreux. Les vignobles ont été ruinés et, jusqu’ici, les moyens employés pour détruire ces animaux n’ont abouti à aucun résultat appréciable. On les chasse, on les tue, on les empoisonne et ils fourmillent. M. B. Williamson dépose que, dans une excursion qu’il fit avec un délégué du gouvernement, ils reconnurent que dans tout le district l’herbe avait disparu. Des bandes d’énormes lapins parcouraient le pays, s’écartant à peine pour faire place à leur voiture. Le sol, raviné de terriers, ne permettait d’avancer qu’avec précaution. « Partout des lapins, dit-il, sur la route et dans la plaine ; ils gambadent en troupes, se poursuivent dans les sables ; on les voit assis par centaines à l’entrée de leurs trous. Plus prolifiques que la famille royale, ils sont aussi rusés que des Indiens quand une fois ils ont entendu un coup de fusil. A la Nouvelle-Zélande on réussira peut-être à les détruire, mais en Australie, j’en doute. Le continent est trop vaste. Traqués sur un point, ils se réfugient sur un autre, et ils se multiplient avec une rapidité telle qu’un cataclysme de la nature pourrait seul en avoir raison[1]. »

Les fermiers désespérés ont bien essayé de tirer quelque parti de leurs peaux, mais elles n’ont qu’une minime valeur, qui ne saurait en rien compenser celle de la laine et des céréales perdues. On a eu raison de plus redoutables adversaires que ceux-là et, en dépit des pronostics fâcheux, on finira bien par réparer la faute commise. En attendant elle inflige à certaines parties de l’Australie et à la Nouvelle-Zélande des pertes considérables.

Bien autrement énergiques et résolus que les Australiens autochtones, les indigènes de la Nouvelle-Zélande ont, comme l’a dit pittoresquement M. Bourdil, a gravé à grands coups de haches de jade, dans le crâne des Anglais, la somme exacte de respect qui leur était due, et obtenu ainsi des sièges au parlement de Wellington, où ils légifèrent côte à côte avec les sujets blancs de Sa Majesté britannique. » Plus connus sous le nom de Maoris, les Néo-Zélandais ont, au nombre de trois mille réfugiés dans leurs forêts et leurs montagnes, tenu, pendant quatre années, dix régimens anglais en échecs, et la guerre ne s’est terminée que par un compromis qui laissait aux Maoris le cercle du roi, c’est-à-dire des terres considérables dans l’intérieur de l’Ile, où ils se réfugièrent avec leur chef Tawhia. Leur nombre total peut être évalué à quarante mille.

  1. Déposition de M. Williamson (New-York Herald du 2 mars 1887).