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par un gouverneur-général, lequel désignerait en conseil colonial les lieutenans-gouverneurs. C’est le prélude de l’affranchissement complet par la substitution du pouvoir du conseil colonial à celui des gouverneurs, uniformément choisis parmi les membres éminens du parlement ou les hauts fonctionnaires de la diplomatie, de l’armée et de la marine.

Ainsi que le Canada et le Cap, l’Australie est, en grande partie, colonie parlementaire, comme on les désigne par opposition aux colonies de la couronne, telles que les Indes, la Guyane, les Bermudes, l’Australie occidentale, etc., qui relèvent directement du gouvernement et sont régies par des ordonnances émanant du pouvoir exécutif. Il n’en faut pas conclure toutefois que le même système prévaut dans toutes les colonies de la couronne et dans toutes les colonies parlementaires. Ainsi, parmi ces dernières, le Canada est fédéré, et non-seulement l’Australie ne l’est pas, mais une de ses provinces est colonie de la couronne, ainsi que les Fijis, alors que le reste de l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont colonies parlementaires. Parmi les colonies de la couronne, les unes, comme les Bahamas, les Barbades, les Bermudes, ont deux chambres, d’autres n’en ont qu’une, d’autres enfin ont un conseil colonial composé de membres élus par les colons et de membres désignés par le pouvoir exécutif ; c’est le cas de l’Australie occidentale.

Aux sujets de mécontentement que nous avons indiqués se joint donc encore pour l’Australie le désir de s’affranchir d’un régime incohérent, d’une machine gouvernementale compliquée, faite de pièces et de morceaux mal ajustés. M. H. Taine, dans ses Notes sur l’Angleterre a admirablement saisi ce côté de l’esprit anglais qui fait « qu’au lieu d’un code, l’Angleterre a un monceau de précédens ; au lieu d’une école de droit, une basoche de routine… La législation est si ténébreuse qu’avant d’acheter un domaine, on prend au préalable un ou deux hommes de loi, qui n’ont pas trop d’un mois pour examiner les titres du vendeur et vérifier si l’acquisition ne fournira pas matière à chicane. — C… dit que « l’état de plusieurs administrations, notamment de l’amirauté, est ridicule : désordre, sinécures, dépenses disproportionnées aux effets, lenteurs et conflits ; le mécanisme est incohérent parce qu’il n’est pas construit d’après un principe. — En toutes choses, ils n’avancent et ne corrigent que par tâtonnemens, ils n’apprennent les affaires qu’à force d’attention, de travail, de triture technique ; ils sont purement empiriques, à la chinoise[1]. »

Ce sont, en effet, les plus grands rapiéceurs de lois qui aient

  1. Notes sur l’Angleterre, page 335.