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flots. Abstraction faite des mers, la profondeur verticale maxima qu’un outil humain ait jamais atteinte est celle de 1,700 mètres au sondage de Schlagdebach, près Leipsig. Les ouvriers qui ont travaillé au forage des grandes percées alpines étaient séparés de la surface par des kilomètres de rocs, mais ils ne se sont pas enfoncés vers l’intérieur, tandis qu’après avoir creusé 1,100 mètres dans le sol, les mineurs bohémiens de Przibram ont pu se vanter d’avoir pénétré plus avant dans l’écorce terrestre qu’aucun être animé. Il faut, cela va sans dire, retrancher de ces deux chiffres, 1,700 et 1,100 mètres, la cote d’altitude des orifices.

En admettant même qu’un passage naturel se présentât ou qu’il fût possible d’en creuser un de main d’homme, comme on veut faire, paraît-il, aux États-Unis, une simple excursion à trois lieues sous terre serait-elle chose réalisable ? Nous ne promettons pas de réponse catégorique à cette demande, et encore, avant de rien formuler, nous devons examiner une des questions les plus complexes et les plus obscures de la physique du globe, celle du degré géothermique.

Chacun sait qu’au fond d’un puits ou d’une cave règne une température assez uniforme qui nous parait chaude en hiver, fraîche en été ; à partir d’une certaine limite, le cours des saisons n’exerce plus aucune influence, et la colonne d’un thermomètre reste absolument immobile de juillet à janvier et de janvier à juillet. C’est ce qui se passe dans les célèbres caves de l’Observatoire de Paris, où persiste constamment une tiédeur accusée par 11°, 2, ce qui dépasse à peine la température moyenne de Paris. Mais qu’on descende dans une mine assez profonde ou qu’on adapte un thermomètre à une sonde de puits artésien, à un trépan, et l’on observe une chaleur de plus en plus forte à mesure que l’on s’éloigne de la surface. Il est clair, du reste, qu’en un lieu donné cette température élevée est immuable d’un bout de l’année à l’autre, puisque déjà les choses se passent ainsi pour de médiocres profondeurs.

On peut objecter que la présence de nombreux ouvriers dans une galerie, que la combustion de l’huile de leurs lampes produit un échaufferaient artificiel qui fausse les mesures. Inversement, l’aérage mécanique rafraîchit l’air ambiant et les eaux enfin, dont l’origine n’est pas toujours locale, agissent tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. La conclusion forcée est qu’il faut s’attaquer à la roche elle-même, tout en se méfiant, de la chaleur développée par le forage. Si l’air ambiant est moins froid ou plus froid que la paroi, celle-ci se dépouillera de son calorique ou en absorbera, suivant le cas, au détriment de la précision des études. La routine et le raisonnement sont d’accord pour conseiller au physicien d’opérer autant que