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Aromaticas. Des pêcheurs de Solor, chassés par la tempête, sont venus échouer sur une ile inconnue au sud de Timor. Ils y débarquent et, en cherchant des ignames et des patates, découvrent et ramassent tant d’or sur la plage qu’ils en chargent leur embarcation. Au retour, les courans les dressent sur l’île de Timor. Vainement ensuite ils reprennent la mer pour retrouver l’Ile d’Or ; elle déjoue toutes leurs recherches.

Plus tard, cependant, l’existence de cette terre est confirmée par des étrangers poussés, eux aussi, par la tempête dans le port javanais de Balambuan. Ces étrangers ressemblaient aux Javanais, sauf qu’ils portaient la chevelure longue et flottante, « à la mode des Nazaréens. » Bien traités par les indigènes, ils leur firent comprendre qu’ils étaient originaires d’une île lointaine où abondaient l’or, les pierres précieuses et les épices. Séduit par leurs récits, le roi de Damut, Chiaymasuro, exprima le désir de visiter cette île merveilleuse. Les étrangers s’offrirent à l’y conduire et, après douze jours de navigation, le débarquèrent sur une terre qu’ils appelaient Luca Antara.

Là, paraît-il, l’or se trouvait partout en telle abondance qu’on ne pouvait concevoir rien de pareil. Les habitans avaient tous la tête ceinte de cercles d’or martelé ; leurs armes étaient ornées de pierreries. Dans les forêts poussaient le girofle, la muscade, le santal et force bois précieux. Il n’en fallait pas tant pour enflammer l’imagination de Godinho de Eredia. Il dépêche un messager qui, après une navigation aventureuse, dit avoir visité l’Ile et lui confirme le récit du roi de Damut. Il ne doute plus de l’authenticité des faits, publie la carte de ses découvertes, qui devaient, affirme-t-il, enrichir la nation portugaise, et qui lui valurent, avec le titre de Descobridor, le grade d’adelantado, ou de gouverneur militaire des pays à occuper, l’habit du Christ, et la promesse du vingtième des revenus des terres dont il prendra possession au nom du Portugal.

La conquête par les Hollandais des comptoirs portugais vint mettre à néant ces beaux projets et ces brillantes perspectives. L’île d’Or rentra dans le domaine de la légende, jusqu’au jour où la découverte des riches mines australiennes fit se demander si la terre mentionnée par Godinho de Eredia n’était pas le continent australien, et si l’on n’avait pas entrevu, dès le XVIIe siècle, l’existence de ces placers. Il n’en était, rien. La prétendue île d’Or de Godinho n’était autre que Sumba ou Sandalwood, île au bois de santal, au sud de Timor, où les indigènes recueillent encore aujourd’hui sur la plage des parcelles d’or. Ce fait ne saurait plus être mis en doute après la publication, dans le Bulletin de la Société de géographie de juin 1878, de l’intéressant travail de M. le docteur E. Hamy sur le Descobridor Godinho de Eredia.