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bien, de roman en roman, il allait s’éloignant un peu plus de la décence, du naturel, et de la vérité, on en reparlerait, pour la dernière fois, quand il en serait tout à fait sorti.

C’est ce qui vient d’arriver : et le volume n’a point encore paru, le journal de M. Zola n’a pas seulement encore terminé la publication du roman, que déjà la Terre, en achevant de déclasser le romancier, semble avoir achevé du même coup de disqualifier le naturalisme. On n’ose plus être naturaliste ; on se défend de l’avoir été ; les plus ignorés eux-mêmes de ses disciples, les imitateurs qu’il ne se savait point, ont déjà commencé de trahir « le Maître. » Déjà, l’auteur de Charlot s’amuse et celui du Bilatéral, déjà MM. Paul Bonnetain, J.-H. Rosny, Paul Margueritte, Lucien Descaves et Gustave Guiches, — faisons-leur le plaisir de mettre ici leurs noms, qu’on pourrait avoir oubliés, — ont publiquement protesté contre « l’exacerbation de la note ordurière » dans le roman de M. Zola : c’est ainsi qu’ils s’expriment en patois naturaliste. On peut prévoir enfin le temps où M. Zola, dans cet abandon de tous les siens, n’aura plus pour lui que le seul M. Francisque Sarcey. Et nous ne le regretterons qu’à moitié, — en songeant qu’il y a dans la Terre de quoi justifier d’autres défections, qui seraient même plus sensibles à M. Zola, que celle de M. Lucien Descaves ou de M. Rosny, — mais cependant nous le regretterons. D’abord, parce qu’il est toujours pénible de voir un homme de talent se fourvoyer sans ressource ; et puis, parce qu’il est plus pénible encore de le voir compromettre avec lui, dans son aventure, ce qu’il pouvait y avoir de justesse et de vérité dans les théories d’art auxquelles les circonstances avaient attaché son nom. Le naturalisme avait sa raison d’être, dans le siècle où nous sommes ; il en avait même plusieurs, que nous avons ici plusieurs fois déduites ; et, si nous en voulons autant du reste, nous n’en voulons de rien plus à M. Zola que de les lui avoir, l’une après l’autre, et pour longtemps maintenant, enlevées.

Car, il faut bien en convenir : quelque étonnement que l’on éprouve à se trouver d’accord avec M. Paul Bonnetain, et quoique ces jeunes schismatiques, pour se purifier, aient sans doute besoin de se laver dans bien des eaux encore, ils ont raison. M. Zola, dans la Terre, a passé toutes les bornes. Oui ; si l’on savait peut-être que le commencement et la fin de son naturalisme, que sa principale ou son unique originalité n’avait guère consisté qu’à imprimer tout crus dans ses romans des mots dont je gagerais qu’à peine ose-t-il se servir dans la liberté de la conversation, jamais pourtant il n’en avait encore imprimé de tels, ni rendu le nom même de naturalisme synonyme à ce point de ceux d’impudence et de. grossièreté. Jamais non plus, pas même dans Pot-Bouille, cet étrange observateur des mœurs de son temps ne s’était ainsi moqué de son. public, jamais il n’avait