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le bilan du siècle dont le terme approche, à donner une forme aux aspirations comprimées par les réactions successives et à rappeler quel est le chemin du droit, du devoir, de la justice sociale et humanitaire, en un mot, à compléter l’œuvre de la révolution… » Ce sera fait en cinq jours, ni plus ni moins ! Voilà qui est entendu. Malheureusement, M. le ministre de l’intérieur, après avoir annulé le premier vote du conseil municipal de Paris, s’est fait un devoir de prévenir toutes les communes de France que leurs délibérations sur cette question seraient également annulées et que l’Hôtel de Ville leur serait pour sûr fermé. — Eh bien ! aurait-il fallu que le gouvernement laissât le conseil municipal de Paris violer les lois, s’ériger en organisateur d’une fédération communale, pour échapper au soupçon de pactiser avec la droite, pour dissiper cette équivoque dont on se plaint ? La vérité est que s’il y a une équivoque, elle serait plutôt dans cette illusion que le ministère peut encore, avec des ménagemens, apaiser ou ramener les radicaux qui lui out déclaré la guerre. M. le président du conseil aura beau faire, il ne ramènera les radicaux qu’en se soumettant à eux ; il ne les désarmera qu’en reprenant à leur profit la politique de combat qu’il a désavouée, et, pour lui, ce qu’il y a de mieux encore, ce qu’il y a de moins équivoque, c’est d’accepter, avec ses responsabilités, ce rôle qu’on lui fait d’un pouvoir modéré, allié de tous les modérés, dans une république tolérante et libérale.

Qu’en sera-t-il de l’Europe, de l’état du monde, d’ici à quelques années, d’ici à quelques mois peut-être ? Les plus habiles, ceux qui passent pour diriger ou décider les événemens, ne sauraient eux-mêmes le dire. S’il y a une chose évidente, c’est que partout, dans tous les pays, on n’a que le choix des difficultés extérieures ou intérieures, c’est que rien n’est assuré, que ces jours de paix dont nous jouissons ressemblent à des jours de répit, que tout dépend d’un accident, de la vie d’un souverain chargé d’années. Avec un peu de philosophie, on peut se consoler sans doute en se disant que ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on en est là, qu’il en est ainsi depuis longtemps, et que le monde n’est pas perdu pour cela. C’est possible, il ne faut jamais désespérer. Il n’est pas moins certain que les affaires de l’Europe, au lieu de s’arranger avec le temps, ne font que s’envenimer ; que de toutes les questions qui pèsent depuis quelques années sur la paix, il n’en est pas une à demi résolue, et qu’il suffit de la moindre aventure pour raviver le sentiment de l’instabilité des choses, pour dévoiler ce qu’il y a de faux, d’incohérent et de précaire dans les relations des peuples, dans les alliances des gouvernemens. C’est le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg qui a aujourd’hui l’avantage d’être le héros de l’aventure la plus récente et la mauvaise chance de remettre l’Europe en désarroi avec sa campagne en Bulgarie à la poursuite d’une ombre de royauté.