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aujourd’hui institutrice aux appointemens annuels de 800 francs ; une autre est devenue sous-maîtresse à l’atelier de broderie et gagne 600 francs ; une troisième, encore élève, mais qui est laborieuse, et qui, cette année, a été jugée digne du prix d’honneur, vient d’être promue à la dignité de sous-maîtresse des petites. Toute peine mérite salaire ; aussi le comité a-t-il décidé de lui donner 20 francs par mois, dont profitera son livret de caisse d’épargne. Faibles émolumens, j’en conviens, mais qui ne sont point à dédaigner et constituent « un avoir » sérieux pour des enfans défrayées de tout. Cependant, lorsque les appointemens dépassent la somme de 600 francs, la pupille doit pourvoir à son entretien de toilette. Parfois on se trouve en présence d’une élève qui est de volonté forte et dont la maladie ou l’infirmité peut paralyser l’envie de bien faire. Dans ce cas, on s’ingénie à découvrir la voie du salut, et souvent on réussit. Une enfant avait été abandonnée à l’hôpital Rothschild par une femme inconnue


Qui n’a point dit son nom et qu’on n’a point revue.


Mme Coralie Cahen, avertie, alla chercher la pauvrette et l’apporta dans la maison de Reuilly. La petite fille était atteinte d’une ophtalmie persistante ; pendant plusieurs années, elle fut en traitement et finit par guérir ; mais la vue, affaiblie par de longues souffrances, restait débile et ne permettait aucun travail assidu à la malheureuse, qui rêvait de devenir institutrice et de ne devoir son pain qu’à son labeur. La lecture, l’écriture, causaient d’insupportables douleurs ; quant au métier de brodeuse, il n’y fallait point songer : l’acte seul d’enfiler une aiguille était interdit. Le problème était difficile à résoudre, mais il fut résolu au bénéfice de la pauvre fille, dont on fit une gymnaste. Mlle Lemerle, professeur de gymnastique dans les écoles municipales et à la maison de Neuilly, la prit en amitié, fit naître, développa ses aptitudes, l’initia aux méthodes d’enseignement et la mit en état de recevoir ses diplômes après examens victorieusement subis. La fonction n’est pas mauvaise ; la jeune fille dont je parle gagnait, l’hiver dernier, 800 francs par mois à donner des leçons, ce qui, pour une femme, est une rémunération presque exceptionnelle. Si la destinée ne lui est pas trop adverse, son existence est assurée, et elle le devra à l’orphelinat qui s’est ouvert devant elle et qui, sans doute, ne s’imaginait guère qu’il aurait à former des licenciées es arts gymnastiques.

La limite d’âge des élèves est déterminée par l’article 10 des statuts : « Aucune enfant ne pourra être admise avant l’âge de cinq ans ni rester pensionnaire de la maison après vingt et un ans. »