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plein gré beaucoup de coutumes indiennes, qu’ils portent des mocassins, tandis que les descendant des Pèlerins enseignent aux Anglais de nos jours à faire des bottines à vis. Jusqu’à un certain point, les petits-fils des compagnons de Cartier ont respecté les Indiens comme un peuple indépendant ; ils les ont traités en alliés, en voisins, ce que les Anglais n’ont jamais su faire. Quand les Anglais prirent possession de Québec, en 1630, les Indiens crurent pouvoir se permettre avec eux la même familiarité qu’avec les Français ; des coups leur répondirent, et aussitôt ils reconnurent la différence entre les deux races, ils s’attachèrent davantage aux Français. Les Anglais ont mieux compris l’émigration au point de vue du succès, mais Thoreau éprouve une sympathie secrète pour l’esprit d’aventure de nos coureurs de bois. Certainement le Canadien d’aujourd’hui manque d’énergie, sa pauvreté le prouve, mais peut-être possède-t-il des vertus sociales et autres qui font défaut au Yankee et qui, en réalité, sont une richesse.

C’est avec un plaisir infini que nous avons senti, en lisant Yankee in Canada, se réveiller chez Thoreau une vague prédilection pour la patrie de ses ancêtres, car la France doit être fière de reconnaître, à travers les générations écoulées, ce fils dont un juge tel qu’Emerson, put comparer le caractère à la plante des Alpes nommée edelweiss (noble pureté). Poète, moraliste et philosophe, il fut d’abord un homme dans la plus haute acception du mot. Sa poésie est inégale et souvent rude. « Il lui manque le grand souffle lyrique et l’habileté technique, dit Emerson, mais il possédait la source même de la poésie dans sa perception spirituelle des choses. Son petit poème classique de Smoke (Fumée)[1] rappelle Simonide, tout en le dépassant. Sa biographie est dans ses vers. Il en faisait une hymne habituelle à la cause des causes, à l’esprit qui vivifiait et contrôlait le sien. »


IV

C’est nuire à John Burroughs que de parler de lui après Thoreau, la ressemblance entre eux étant grande, avec des différences qui

  1. Light-wiuged Smoke ! Icarian bird,
    Melting thy pinions in thy upward flight ;
    Lark without song and messenger of dawn,
    Circling above the hamlets as thy nest ;
    Or else, departing dream, and shadowy form
    Of midnight vision, gathering up thy skirts ;
    By night star-veiling, and by day
    Darkening the light and blotting out the sun ;
    Go thou, my incense, upward from tins hearth,
    And ask the gods to pardon this clear flame.