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restait campée autour du siège de la diète, l’élection de François de Lorraine était faite d’avance, et personne ne s’y méprenait. La moindre intelligence aurait suffi au cabinet français pour comprendre que le résultat était inévitable, et la dignité lui commandait, sinon de s’y résigner de bonne grâce (ce qui était difficile après une partie si imprudemment engagée), au moins de s’y préparer avec calme. Dans la politique comme dans la vie privée, rien ne compromet et ne prête à rire comme des efforts tardifs et désespérés faits pour courir après un succès quand on s’est enlevé à soi-même tout moyen de l’atteindre. Se retirer de la lutte électorale, puisqu’on s’était éloigné du champ de bataille ; — rappeler ses ambassadeurs à la suite de ses soldats ; — puis, l’élection faite, protester au nom des libertés germaniques, dont la garantie était toujours confiée à la France par le traité de Westphalie ; — mettre en avant quelqu’une des mille difficultés légales que la complication des chartes impériales tenait toujours au service des juristes de bonne volonté ; — entre temps, achever d’écraser les armées et les alliés du nouvel empereur partout où on continuait à les rencontrer, et de conquérir ceux de ses états qu’on était à portée d’envahir, — c’était l’unique procédé à mettre en usage pour supporter sans trop de dommage le mécompte présent et en réserver la réparation à l’avenir. Le jour ne tarderait pas à arriver (on pouvait du moins l’espérer) où l’élu de Francfort serait heureux d’acheter, au prix de quelque concession importante, la confirmation d’une grandeur qui ne lui paraîtrait pas à lui-même solidement acquise tant qu’un voisin puissant et victorieux se refuserait à la reconnaître. Du moment où on ne pouvait ni s’opposer ni s’associer à un choix devenu nécessaire, le bon sens indiquait de tenir l’adhésion de la France tranquillement en suspens, pour en faire, au moment propice, le précieux élément d’une négociation future.

Ce fut là précisément l’attitude que le roi de Prusse, avec le sens politique qui ne lui faisait jamais défaut, eut soin d’adopter tout de suite, bien qu’il lût plus intéressé encore que la France dans le choix de l’empereur futur, puisqu’il avait à y prendre part en qualité d’électeur de Brandebourg. On sait, du reste, que, dès le lendemain de la vacance de l’empire, il avait prévu que la chance tournerait d’une façon à peu près irrésistible en faveur du candidat autrichien, et que, ne se faisant à cet égard aucune illusion, il n’avait jamais formé sérieusement l’intention d’y faire obstacle, il demandait seulement avec son cynisme de langage habituel que quelque bon morceau lui fût assuré en échange de son consentement, et à la date même où la diète s’ouvrait, le marché, repris et poussé avec vivacité par le cabinet anglais, était, nous venons de le voir, à la veille même d’être conclu. Tant que l’affaire pourtant n’était pas