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Une négociation engagée par une voie si détournée n’avait pas chance de marcher promptement. Quand ce n’eût été que la perte de temps nécessaire pour faire passer par Dresde tout ce qu’il aurait été si simple d’envoyer en droiture à Paris, ce délai, dans une heure critique où chaque instant était précieux, suffisait pour tout compromettre. Mais de plus la mission dont Saul se trouvait chargé pour la France n’était ni la seule ni même la plus pressante qu’il eût à remplir. Il avait, en outre, à combiner avec l’impératrice le projet d’une attaque nouvelle qu’il proposait de diriger contre Frédéric, dans des conditions différentes des précédentes (que je devrai exposer tout à l’heure), et à régler le rôle que chacun des combattans aurait à y jouer. Tant de préoccupations diverses ne permettaient à Saul de donner à la négociation française qu’une partie de son attention et de son temps. Du moment, d’ailleurs, que l’affaire se traitait ainsi par procureur, Marie-Thérèse, de son côté, ne pouvait s’en occuper elle seule ni elle-même. Tout fut donc renvoyé à l’examen de son vieux ministre Bartenstein, nourri dans les préjugés antifrançais et qui, bien que comprenant l’intérêt de céder quelque chose aux circonstances, procéda avec les préjugés, la méfiance, les lenteurs, les formalités de toute sorte habituelles à la chancellerie autrichienne. On fut tout de suite en désaccord sur les conditions de l’alliance projetée. La France demandait, comme le prix de son concours, un établissement pour l’infant d’Espagne en Italie, une garantie assurée à son protégé l’électeur palatin, et pour elle-même les places flamandes d’Ypres, de Furne, de Tournay et de Nieuport, actuellement entre ses mains. C’était peut-être beaucoup exiger, mais Bartenstein répondit en refusant à peu près tout, sauf l’espérance d’une part à faire à l’infant, pourvu que ce ne fût pas aux dépens du roi de Sardaigne. On était donc assez loin de compte, pas beaucoup plus, cependant que dans une négociation ordinaire, où il est assez d’usage que l’un, au début, demande plus qu’il n’espère obtenir, et l’autre accorde moins qu’il n’est résigné d’avance à concéder. Mais c’étaient justement ces marchandages, ces allées et venues si fâcheuses dans les circonstances présentes auxquelles une transaction directe, confiée à des gens d’énergie et de résolution, aurait eu le mérite de couper court. Aussi n’y eut-il pas lieu d’être surpris si la réponse à peu près négative de Bartenstein aux den)andes de la France arrivait à peine à Dresde pour de là être transmise à Versailles, au moment où, les fêtes du