Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/608

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Motard, fils de Guillaume et d’Anne Fleury, avait été baptisé à Honfleur le 30 juin 1733. Il devint successivement : matelot à 15 livres par mois, le 19 mars 1755; aide-pilote à 30 livres, le 17 mars 1757; premier pilote à 50 livres, le 15 octobre 1758; lieutenant de frégate, le 1er octobre 1780 ; chevalier de Saint-Louis, le 14 juin 1784; sous-lieutenant de vaisseau, le 1er mai 1786; capitaine de vaisseau enfin, sous un autre régime, le 1er janvier 1792. Il avait fait la campagne de Québec sur le vaisseau l’Entreprenant, du 19 mars au 8 octobre 1755. Passé successivement du vaisseau le Sphinx sur le vaisseau le Sceptre, dans l’escadre de M. de Kersaint, et du Sceptre sur le Courageux, il commandait, en 1764, un navire de commerce, la Jeune-Gentille, navire armé de six canons et monté par dix-huit hommes d’équipage. Un chebeck de vingt-huit canons, sorti de Salé, captura la Jeune-Gentille après deux heures et demie de combat. Motard reçut, dans cet engagement, cinq coups de sabre et plusieurs coups de massue. Il demeura trois ans esclave en Barbarie. En l’année 1780, nous le retrouvons capitaine du corsaire le Stanislas. Il soutient sur ce bâtiment, en vue d’Ostende, un combat de trois heures et demie, combat pendant lequel il est encore atteint de trois coups de feu. Ne vous avisez pas d’être corsaire, si vous n’avez pas la vie dure. À cette occasion, le roi envoie à Motard une épée d’honneur. Après une telle marque de l’attention du souverain, le capitaine du Stanislas se trouvait naturellement désigné pour prendre rang parmi les vaillans officiers-auxiliaires dont les services sont inscrits dans nos fastes à côté de ceux d’une brillante et belliqueuse noblesse. En 1781, le lieutenant de frégate Motard commande la chaloupe-canonnière la Martinique, chargée de l’escorte des convois; en 1785, la flûte le Canada; en 1787, un vaisseau-ponton, stationné sur la rade de Cherbourg, le Triton; en 1790, la corvette le Vanneau. En 1791, le flot de la révolution le soulève comme tant d’autres : le ministre lui confie un vaisseau de ligne, le Brillant. C’est plus assurément que son ambition n’a jamais rêvé. Voltaire et les encyclopédistes, les « droits de l’homme » surtout rapportés du Nouveau-Monde, lui ont, avec la banqueroute imminente et les généreuses illusions de la noblesse, frayé le chemin.

Dès le mois d’avril 1786, un autre Motard, — Léonard, — Bernard, fils de François-Paul-Pierre et de Madeleine Faucon de la Couture, — né à Honfleur, le 27 juillet 1771, promet à la marine un serviteur non moins précieux et non moins utile. Les débuts de Léonard seront plus faciles que ceux de son père; nous verrons aussi son nom acquérir plus d’éclat. Léonard entre dans le grand corps par une porte laissée entr’ouverte. Il n’est pas matelot; il ne saurait, vu l’obscurité de sa naissance, aspirer à l’honneur d’être garde-marine : il sera, comme le fut mon père dans l’expédition de d’Entrecasteaux, admis