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3 au 4 mars 1806, à ses dépens, ce qu’il faut de boulets pour réduire un tel homme.

Rentré à l’Ile-de-France le 31 octobre 1804, Linois reprenait la mer le 22 mai 1805, avec le Marengo et la Belle-Poule. La période des désastres allait succéder à la période des captures, — inévitable issue de nos campagnes de course. — Comment eût-il pu en être autrement? Tous nos ports se trouvaient bloqués ; même avant Trafalgar, les vaisseaux anglais couvraient les mers. A quelles chasses acharnées nos frégates ne durent-elles pas s’attendre, une fois nos grandes flottes anéanties? Ce serait bien pis aujourd’hui : nos dépôts de charbon ne tarderaient pas à être enlevés, et nous irions en vain quêter de port neutre en port neutre un combustible qui nous serait partout refusé. Si jamais nous voulions faire la guerre au commerce anglais, c’est à sa rentrée dans la Manche qu’il faudrait l’attendre. Là, par exemple, nous serions terriblement redoutables, à une condition cependant : les Anglais connaissent nos côtes ; nous en ignorons les détours. Il n’est pas, je l’espère, trop tard pour aviser, à moins qu’on ne considère ce détail comme au-dessous des préoccupations d’une marine savante. J’ai eu quelque part, — je ne crains pas de m’en féliciter, — à l’organisation des institutions de pilotage. On ne m’accusera donc pas de dédaigner le secours des pilotes. Je prétends seulement que, si le capitaine n’est pas un peu pilote lui-même, la confiance lui fera défaut, et sans confiance, pas d’audace. Telle fut jadis l’opinion des grands marins dont je ne cesserai, malgré les progrès accomplis, d’invoquer avec une foi absolue le témoignage.

Déjà, en 1805, tout se gâtait dans l’Inde. La frégate la Psyché, commandée par un capitaine que les Anglais, qui le connaissaient bien, réputaient justement un brave entre les plus braves, par le capitaine Bergeret, en un mot, la Psyché venait de succomber dans un combat livré au San-Fiorenzo. Elle obtenait, il est vrai, une capitulation sans exemple dans les annales de la guerre maritime. Ce n’en était pas moins une frégate à rayer de nos forces navales. Le 2 novembre, l’Atalante se perdait au cap de Bonne-Espérance, jetée à la côte par un raz de marée sur la rade ouverte de Table-Bay. Le Marengo et la Belle-Poule, sortis sains et saufs de la tempête, poursuivaient lentement leur route vers la France. Ils visitaient la côte d’Angola, cherchaient fortune dans les eaux de Sainte-Hélène, gagnaient enfin, à court d’eau, épuisés de vivres, encombrés de malades, l’archipel des Canaries. C’était là que le sort avait marqué la fin de la longue et laborieuse campagne que nous venons de raconter. Cinq vaisseaux et deux frégates assaillirent à la fois le Marengo et la Belle-Poule. La résistance fut digne de