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arriver à pendre leurs hamacs les premiers. On trouvait tout naturel de nous charger de les contenir : nous nous en acquittions de notre mieux. Quelle discipline de fer il fallait pour suppléer à la règle méthodique qui faisait complètement défaut! Le fouet pour les mousses, les coups de corde et la garcette pour les hommes, on n’imaginait seulement pas qu’on pût s’en passer. Le peu d’officiers qui protestaient en secret contre un tel régime couraient grand risque d’être appelés avec dérision « des pères de famille. »

Et pourtant, en dépit de ces cruautés, tout se faisait mal : en rade, on ne serrait pas les voiles, sans avoir, au préalable, envoyé les gabiers sur les vergues « croiser les ralingues ; » en mer, la plupart du temps, on laissait les canons sommeiller aux sabords, de peur d’en écorcher la peinture. On ne lavait pas les ponts ; on les grattait ou « on les briquait avec la pierre infernale. » Jouissez, heureux officiers du temps présent, du bon ordre que vous devez aux efforts de vos devanciers ! Vous ne saurez jamais tout le labeur que cette merveilleuse organisation nous a coûté. Les longues stations, le beau ciel du levant, la fréquentation habituelle des marines étrangères ont singulièrement favorisé l’œuvre salutaire. On a perdu peu à peu l’habitude de vivre dans sa crasse. Les galeux ont disparu : jadis on les voyait parqués, comme des bêtes fauves, sur l’avant, dans « la gatte, » séparés du reste de l’équipage par un filet. Le culte de la propreté devint un instant si impérieux qu’on finit par l’exagérer. Tel capitaine laissait tomber son mouchoir sur le pont et se fâchait tout rouge s’il le relevait taché de quelques grains de poussière. Tel autre vit son nom travesti par les mauvais plaisans, parce qu’on l’accusait de peindre sans cesse. Ce fut alors qu’intervint « l’astiquage, » qui convertit bientôt les parois intérieures et extérieures de nos bâtimens en murailles de stuc. Ne nous plaignons pas de ces excès de zèle ; nous y avons trop gagné.

Revenons, il en est plus que temps, au commandant de la Sémillante. « Nous trouvâmes, continue le capitaine Motard, la mer houleuse au large des îles. Je fis rider le gréement et prendre le ris de chasse aux huniers. Le 6 février, on commença les exercices. Je reconnus que la plupart des hommes nouvellement arrivés avaient le plus grand besoin d’être instruits. J’ordonnai, en conséquence, que, chaque jour, lorsque le temps le permettrait, il y aurait des écoles du canon, de la mousqueterie et de la manœuvre. » Dépouillez les milliers de dossiers qui nous restent de cette époque : je gage que vous n’y trouverez pas souvent la trace de semblable préparation au combat.

Le capitaine Motard cependant avait, en ce moment, d’autres soucis que ceux dont la préoccupation le distingue et l’honore. « Le maître calfat, écrit-il, me prévint que la frégate, qui faisait un pouce