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fut évaluée à 26 milles environ par vingt-quatre heures. Contrariée, tantôt par la brise, excessivement variable, tantôt par le calme, la Sémillante n’avançait que lentement et péniblement vers la ligne. Le 16 mars, cependant, elle finit par atteindre le méridien de 86 degrés. Le capitaine Motard « fit mettre la route au nord. » Il pensait que la mousson le porterait, avec vent sous vergues, à une distance convenable de Pointe-de-Galles. Son espoir ne fut pas trompé. Les vents lui permirent assez généralement de faire de petits bords au nord-ouest et au nord-est. Le 12 mars, il avait changé d’hémisphère : il se trouvait par 2° 50’ de latitude nord et 83° 32’ de longitude est. La mousson commençait à se faire franchement sentir : la route fut fixée au nord-ouest. On sortait des parages habituellement déserts. L’occasion de montrer ce qu’une longue traversée bien employée peut faire d’un équipage, au départ complètement novice, ne devait pas tarder à se présenter.

« Le 15 mars 1808, à la pointe du jour, raconte le capitaine Motard, nous aperçûmes une voile dans l’est-sud-est, c’est-à-dire presque derrière nous. Je fis à l’instant virer de bord pour lui donner la chasse. Nous la reconnûmes bientôt pour un trois-mâts courant comme nous. Le vent joua beaucoup de l’est-nord-est au nord-nord-est. Ces changemens me furent défavorables. A huit heures, le bâtiment chassé était beaucoup au vent. Nous mîmes le pavillon anglais de l’escadre rouge, en tirant un coup de canon. A huit heures un quart, un second coup de canon fit mettre le bâtiment étranger en panne. Il hissa en même temps le pavillon anglais. Nous changeâmes d’amures : à neuf heures, ayant arboré cette fois le pavillon français, un troisième coup de canon fit arriver sur nous le navire anglais et nous en rendit maître. Je le fis amariner par le lieutenant de vaisseau Roussin. Nous apprîmes ainsi le nom du bâtiment capturé. C’était la Cecilia du port, d’environ 200 tonneaux, venant de Bourbon et allant au Bengale. Je l’expédiai pour l’Ile-de-France, sous le commandement de l’aspirant Rabaudy[1]. A trois heures, la Cecilia fit route au sud-sud-est. De mon côté, je me dirigeai sous toutes voiles à l’ouest 1/4 sud-ouest. Mon intention était de donner un peu de tour à Ceylan pour éviter les croiseurs.

A cinq heures moins un quart, la prise était hors de vue. Nous aperçûmes un bâtiment dans le sud-ouest : on le voyait d’en bas. J’espérai avoir assez de temps pour le visiter avant la nuit, et je fis arriver sur lui avec toutes voiles dehors. Le vent était alors du nord-est à l’est-nord-est, jolie brise, le temps superbe, la mer unie. Au bout d’une demi-heure de chasse, le bâtiment fut reconnu pour un

  1. Voyez, dans la Revue du 1er février 1886, p 611, la prise de la Cecilia.