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de France, les hommes dévoués à leur pays, — et il y en a dans tous les camps, — ont déjà bien assez de difficultés pour trouver leur chemin, pour se tracer à eux-mêmes la conduite la plus prudente, la plus patriotique. De quelque façon qu’on juge les événemens du moment, il y a un fait certain : depuis quelques mois, il y a eu, en France, un changement, il y a une expérience engagée, une tentative de politique nouvelle. Il s’est formé un ministère qui a parlé dans les chambres d’un accent assez nouveau, qui n’a pas craint de désavouer ce qu’on appelait le gouvernement de combat, qui n’a point hésité à admettre que la première nécessité était d’assurer à tous des garanties libérales, une administration équitable, de chercher la paix dans l’étude impartiale et éclairée des affaires du pays. Il y a eu aussi dans le camp conservateur, sinon un désarmement complet, du moins un commencement de trêve, une suspension d’hostilités vis-à-vis du gouvernement de la république. Que cette expérience ait été jusqu’ici timide, incertaine, qu’on en soit encore parfois aux fausses et violentes traditions des derniers ministères plus ou moins radicaux, c’est possible. Évidemment, ce n’est pas du premier coup que peut s’accomplir une telle évolution sur le champ de bataille des partis. La tentative n’a pas moins existé, elle n’est point désavouée. Le nouveau manifeste, en ravivant les questions les plus ardentes, a changé cette situation, et l’auteur s’est fait une honnête illusion s’il a cru tout concilier en variant ses « instructions » pour la droite parlementaire et pour les monarchistes dispersés dans le pays. Le résultat pourrait être uniquement de contrarier ou de compliquer une expérience tentée dans un intérêt public. Ce n’est point certainement ce que M. le Comte de Paris a voulu, et, après comme avant le manifeste, les conservateurs de tous les camps, du parlement et du pays, n’ont rien de mieux à faire que de ne pas se laisser détourner d’une tentative qui répond visiblement à un instinct universel. Lorsque M. le président du conseil et les républicains modérés ont paru se rattacher à une politique de conciliation et d’apaisement, lorsque les conservateurs des chambres ont paru prêter leur appui à cet essai de pacification intérieure, les uns et les autres obéissaient à des mobiles différens. Ils se sont rencontrés sur un point : ils ont également reconnu la nécessité de cette sorte de trêve de bien public. Ce qui était vrai hier l’est encore aujourd’hui, et les conservateurs de France, qui sont les premiers juges de ce que le pays leur demande, n’ont qu’à s’inspirer d’eux-mêmes et des intérêts nationaux, à écouter les vœux de l’opinion, pour régler leur conduite selon les circonstances, sans être des dupes ni des complices d’agitations nouvelles.

Ce qu’il y de plus curieux, de plus significatif, c’est l’explosion de violences provoquée dans les camps révolutionnaires par le manifeste de v. le comte de Paris, que les radicaux se sont hâtés de signaler