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que le gouvernement rencontre devant lui à chaque pas, sous toutes les formes. Il y a quelques semaines, c’était le conseil municipal de Paris qui, dans son omnipotence démagogique, prétendait organiser la grande fédération communale et convoquer à l’Hôtel de Ville des délégués de toutes les municipalités françaises; hier, c’étaient les instituteurs qui, réunis en congrès à Paris, décidaient d’organiser une fédération d’un autre genre, une vaste association embrassant tous les départemens, gouvernée par un syndicat central. Ces honnêtes maîtres d’école, au lieu d’enseigner à lire dans leurs villages, rêvaient de fonder l’autonomie des instituteurs primaires, de sauver, eux aussi, la république, et M. le ministre Spuller a été obligé de leur rappeler qu’ils étaient de modestes fonctionnaires de l’Université, dépendant de leurs chefs. Demain, ce sera autre chose: c’est l’organisation de toutes les forces anarchiques s’essayant dans la désorganisation de l’état. Là est le vrai mal, le mal déjà invétéré et profond auquel il faut remédier, et qui rend d’autant plus nécessaire l’alliance de toutes les prévoyances conservatrices dans l’intérêt supérieur de la puissance et de l’honneur de la France parmi les nations.

Et s’il fallait une raison souveraine pour détourner assemblées et gouvernement du radicalisme désorganisateur, des guerres intestines et des faux systèmes, c’est la marche des choses qui se chargerait de rappeler cette raison à tous les esprits sincères. Il suffirait de regarder vers la frontière sensible pour voir à quoi tient la paix, ce qu’il y a toujours de douloureusement délicat dans une situation où les incidens se succèdent, comme pour mettre à l’épreuve la bonne volonté des gouvernemens. Il y a quelques mois, c’était l’affaire de Pagny-sur-Moselle qui rouvrait un instant les plus redoutables perspectives et aurait mis la paix en péril, sans le zèle conciliateur et habile de la diplomatie. Aujourd’hui, c’est l’incident qui vient de se passer sur la frontière des Vosges, à Vexaincourt ; c’est cette scène passablement sauvage où une partie de plaisir se transforme en tuerie, où des chasseurs français, cheminant paisiblement à l’abri de notre frontière, sont exposés aux coups de feu des gardes forestiers ou des soldats allemands embusqués sur leur territoire. Il y a un homme tué, un jeune élève de Saumur en vacances gravement blessé. Et voilà de nouveau la diplomatie en campagne. Elle réussira encore une fois, on n’en peut douter, à mettre le pied sur cette étincelle. Le gouvernement allemand ne peut refuser justice pour un événement qui n’est peut-être que le résultat d’une cruelle consigne brutalement exécutée. Quelle sera la réparation due en toute justice à la France? Ceci est l’affaire des gouvernemens, et on ne peut que les gêner par des commentaires aussi bruyans que prématurés. Ce n’est pas moins un nouveau signe, la révélation saisissante de toute une situation devant laquelle ce n’est pourtant pas le moment de s’acharner aux luttes intérieures. Oh !