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Comme Samuël, Saül sacrifiait sur les places déjà consacrées, élevait des autels de pierre brute, n’avait aucune répugnance pour les noms divers sous lesquels l’Éternel était honoré sur les hauts-lieux. David et sa femme Mikal, fille de Saül, avaient chez eux, comme nous le verrons, des téraphim sculptés, qui jouaient le rôle de dieux domestiques et étaient l’objet d’un culte religieux.

Les accès de corybantisme sacré auxquels Saül était sujet n’avaient pas plus de lien avec le iahvéisme qu’avec tout autre culte. Ces accès étaient considérés comme des effets de l’esprit de Dieu soufflant où il veut. C’était de l’élohisme pur. La raison de Saül paraît avoir subi d’étranges naufrages en traversant ces bizarreries, dont on enseignait en quelque sorte la recette dans les écoles de prophètes. Son intelligence, qui participait à toutes les faiblesses du temps, s’y égara, il alla jusqu’à la nécromancie, et, à ce qu’il paraît, il s’en dégoûta, puisqu’on lui prête une loi contre les nécromanciens et les sorciers. Le progrès religieux lut presque nul sous son règne. Jamais on n’abusa plus de l’urim et tummim. Les questions les plus graves étaient mises au sort des dés, avec une confiance supposant une foi bien aveugle chez les adeptes, et, chez les prêtres dépositaires de l’outil sacré, une audace vraiment inouïe.

C’est comme chef de guerre que Saül fut vraiment une colonne en l’histoire d’Israël. Il fut puissamment secondé dans cette tâche par son fils, le brave et loyal Jonathas. Quand Saül prit le titre royal, la situation était navrante. Les Philistins avaient des postes au cœur même du pays, à Géba par exemple. Saül et Jonathas étaient presque seuls armés. Il paraît que les Philistins vainqueurs avaient supprimé en Israël la fabrication et même la réparation des objets de fer, si bien que, pour aiguiser leurs instrumens aratoires, les Israélites étaient obligés d’aller chez les Philistins. La désorganisation militaire, amenée par l’importance exclusive d’hommes tels que Samuël, étrangers à la guerre, était complète. Saül et Jonathas firent, pour rétablir la situation, des prodiges de valeur et d’activité. Jusque-là, l’armée d’Israël n’avait été qu’une Landwehr, commandée, pendant le temps de sa réunion en armes, par un chef d’occasion. A partir de Saül, il y a une armée permanente; il y a du moins des cadres, un sar-saba ou séraskier, des hommes de guerre par état, des chefs ayant leurs soldats dans leurs mains. Tel fut surtout un certain Abner, ou Abiner, qui semble avoir été cousin germain de Saül, et qui fut évidemment un capitaine de grande capacité.

La première campagne de Saül eut pour point d’appui Mikmas, Béthel et Gibéa. Saül et Jonathas s’établirent solidement dans ces