Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/776

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme les Israélites étaient de taille moyenne, ces géans les étonnaient et les effrayaient. Un type très ordinaire de la légende militaire lui de mettre aux prises un de ces géans avec un gibbor Israélite, auquel restait naturellement la victoire. On connaît au moins quatre de ces récits, dont le plus moderne et le plus développé est celui où le jeune David tue avec sa fronde le géant Goliath. Mais ce nom légendaire avait déjà servi, puisque l’épée de Goliath est remise à David par les prêtres de Nob comme un trophée depuis longtemps consacré. L’opposition des faibles engins de l’Israélite et des terribles armes de l’étranger faisait le piquant de ces aventures, qui se terminaient toujours par l’agréable spectacle de l’étranger tué, malgré son casque et sa cuirasse, pur des moyens enfantins.

Saül tint, de la sorte, une véritable école de guerre, dont le nerf fut la tribu de Benjamin. Les bandes cariennes et pélasgiques de Gath et d’Ekron trouvèrent en face d’elles une organisation capable de leur résister. C’était une guerre continue, une sorte de duel, «ans autre interruption que celle des saisons. Le résultat général fut favorable à Israël; les Philistins furent refoulés dans la plaine maritime, leur domaine naturel; la montagne fut à peu près délivrée de leurs incursions.

Les campagnes de Saül contre les Moabites, contre les Ammonites, contre l’Aram de Soba, sont peu connues. Ce qu’on rapporte de sa guerre contre les Amalécites et leur roi Agag appartient à un récit moderne, tout à fait faussé par l’intention d’abaisser la royauté devant le prophétisme. Il est certain, cependant, qu’une partie de l’activité de Saül lut employée à réprimer les bédouins de l’Est, qui pillaient le paisible Israël.

On comprend moins l’acharnement que Saül montra contre les Chananéens, surtout contre les Gabaonites, qui avaient obtenu leur charte lors de la première conquête du pays. Il eût été d’une bien meilleure politique de chercher à s’assimiler ces populations, rendues peu dangereuses par leur état de désorganisation. Saül, au contraire, essaya de les exterminer, et montra dans cette circonstance une cruauté extrême. Il en résulta plus tard pour sa famille des représailles terribles.

Une telle royauté, fondée, selon toutes les règles de l’histoire, sur l’héroïsme et sur des services de premier ordre rendus à l’unité nationale, aurait mérité d’être tranquille, prospère et de servir de commencement à une dynastie. Il n’en fut rien cependant. Le règne de Saül, bien que très fructueux pour Israël, fut pour le fils de Kis et pour sa famille plein de tristesses et de troubles profonds. Homme de grand courage et excellent soldat, Saül avait évidemment