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beaucoup. Il se contentait de ne parler qu’avec respect et componction de Saül et de Jonathas; il crut ne rien devoir à Isbaal. Ce dernier paraît avoir été un homme très médiocre, gouverné en tout par Abner. De Mahanaïm, Abner l’amena dans le pays de Benjamin, où la maison de Saül avait ses racines les plus profondes. Le premier choc entre ses partisans et ceux de David eut lieu à Gabaon. Joab et Abner, chefs des deux corps ennemis, se rencontrèrent des deux côtés du réservoir, encore visible aujourd’hui. On débuta par un combat singulier de douze contre douze; puis eut lieu une bataille, où l’avantage resta aux gens de David.

Les trois fils de Serouïa firent ce jour-là d’étonnantes prouesses. Asaël, qui excellait à la course, s’attacha à tuer Abner. Celui-ci le tua, non sans regret, car il voyait bien que cela mettait du sang entre lui et Joab. Joab et Abisaï poursuivirent Abner dans la direction du Jourdain. Mais les Benjaminites se retirèrent en bon ordre et se reformèrent en bataille sur le sommet d’une colline. On parlementa. Les gens d’Abner réussirent à repasser le Jourdain et à joindre Mahanaïm. Joab et sa troupe marchèrent toute la nuit et gagnèrent Hébron. Asaël fut enterré dans le tombeau de sa famille à Bethléhem.

Cette guerre d’escarmouche entre les deux royautés se continua longtemps. David grandissait de jour en jour, et Isbaal baissait. Une querelle de harem mit la division entre Isbaal et Abner. Ce dernier commençait à trouver du bon dans le système d’un seul roi de Dan à Beerséba. On se fit des concessions des deux côtés. David exigea comme condition préalable qu’on lui rendît sa femme Mikal, fille de Saül; ce qui lui fut accordé, malgré les instances du nouveau mari de Mikal. Abner travaillait maintenant avec passion à la réconciliation des deux partis. Les généraux d’Isbaal se laissèrent presque tous gagner. Abner vint à Hébron accompagné de vingt hommes. David le reçut avec les apparences de la cordialité. Abner se chargea de tout disposer pour une prompte pacification.

On avait compté sans l’honneur de Joab, absolument engagé, selon les idées hébréo-arabes, à venger la mort d’Asaël. Joab était absent d’Hébron pour une course de pillage, quand Abner y vint. A son arrivée, il apprit qu’Abner regagnait tranquillement le territoire de Benjamin. Il reprocha à David d’avoir laissé échapper un el homme, s’arrangea de façon qu’Abner retournât à Hébron, l’attira entre deux portes et le tua.

David protesta qu’il n’était pas responsable de la mort d’Abner, que Joab seul avait tout fait. Il prononça même contre ce dernier une malédiction des plus terribles, sachant bien qu’elle n’aurait pas grand effet. Il voulut qu’on prît le deuil et qu’on fît à Abner des