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mariés. Les opérations de cette levée marchèrent lentement et mal. Les listes étaient vicieuses. On y portait des individus déjà enrôlés comme conscrits des levées antérieures, comme remplaçans ou comme chasseurs et grenadiers des cohortes de la garde nationale. Les forêts s’emplirent de réfractaires. Dans certains chefs-lieux de canton, le quart seulement des appelés se présenta aux mairies. Aussi, tandis que la levée des 160,000 hommes donnait au 31 janvier un excédent de 24,000 hommes, la levée des 300,000 hommes donnait à cette même date un déficit de 236,000 hommes. Jusqu’alors, 63,000 conscrits seulement avaient pu être mis en route.

Plus impopulaire et plus difficile encore fut l’organisation des légions de gardes départementales, destinées à former des armées de réserve. Cette conscription déguisée, — car, une fois embrigadées, les gardes nationales n’étaient plus distinguées de l’armée active, — portait à peu près exclusivement sur les hommes mariés ayant échappé aux levées précédentes et sur les hommes au-dessus de trente-trois ans, presque tous mariés aussi, du moins dans les campagnes. On avait la faculté de se racheter, mais les remplaçans coûtaient cher et devenaient rares. La plupart des ouvriers sans travail des grands centres industriels étaient déjà partis en cette qualité. Dans la classe bourgeoise, nombre de gens quittèrent le département où ils étaient inscrits comme électeurs. Ce mouvement se généralisa au point de forcer l’administration à refuser des passeports jusqu’à la formation définitive des contingens. Les paysans n’étaient pas plus empressés. Ils se disaient disposés à défendre leurs foyers, mais ils ne voulaient pas rejoindre l’armée. Sous l’influence des révoltes et des larmes de leurs femmes, ils déclaraient qu’ils ne partiraient pas. Il y eut des attroupemens, des cris menaçans, des rébellions. C’est à peine si l’on put réunir le 25 janvier environ 20,000 miliciens dans les différens camps d’instruction[1].

Ces divers contingens des nouvelles levées, qui, au milieu de janvier, ne formaient pas un effectif total de plus de 175,000 hommes ayant rejoint les armées du Rhin, du Nord et des Pyrénées, ou arrivés dans les dépôts de France depuis Vannes jusqu’à Rome, n’étaient point, par malheur, immédiatement utilisables. Avant de mener ces recrues à l’ennemi, il fallait les instruire, les vêtir, les armer. Le temps manquait pour l’instruction ; en janvier

  1. Les gardes nationales dites actives furent naturellement portées à un plus grand nombre dans le courant de la campagne ; mais en y comprenant les gardes nationales réunies à Lyon, on ne peut guère admettre que ces milices aient jamais dépassé l’effectif total de 140,000 hommes tenant la campagne ou organisées et prêtes à marcher. Nous ne comprenons pas dans ce chiffre, cela s’entend, les gardes nationales dites urbaines ou sédentaires de Metz, Strasbourg, Paris, Reims, Rouen, etc.