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localités, aux circonstances : une division qui permît de composer avec les préjugés, et même avec les erreurs. « Il demandait, non pas une égalité territoriale et mathématique, mais une égalité « de poids dans la balance. » Il fallait «que l’étendue du département permît aux députés des villes et des villages de se rendre facilement au chef-lieu. » Que se propose-t-on en effet? Rapprocher le tuteur du pupille et l’administrateur de l’administré. On tiendra compte de la population, de la fertilité du sol, des productions, de l’industrie. « Les départemens ne seront formés que par des citoyens de la même province. » Et Mirabeau, prenant pour exemple la sienne, montre qu’elle pourra être aisément partagée « en régularisant la vie des municipalités actuelles et en faisant disparaître les inégalités des anciennes vigueries. » Aucune délimitation n’est arrêtée sans que les députés de la région soient préalablement consultés. Le 9 janvier 1790, Treilhard les invite « à produire le tableau énonciatif de leurs limites respectives. » Ils doivent arriver à la séance avec des cartes bien faites. La Guyenne est divisée après un long débat « auquel, dit naïvement le Moniteur, les députés de la région semblent seuls prendre intérêt. » Lorsqu’on discute la division du Dauphiné, lorsqu’on pèse les réclamations des Basques, on voit que l’assemblée est disposée à faire toutes les concessions compatibles avec son but. Si le comité de constitution refuse à l’Aunis de former un département séparé, c’est uniquement pour éviter l’inconvénient des administrations trop petites. Il en exprime tous ses regrets, et propose, à titre de compensation, quelques avantages particuliers pour La Rochelle : ce qui marque un respect presque exagéré des souvenirs historiques. Quelquefois ce sont les provinces qui demandent une division plus complète. Ainsi la Bretagne proteste d’abord en termes assez nobles contre son démembrement; puis elle veut former six départemens au lieu de cinq, et l’on est obligé de contenir ce besoin de morcellement, en lui représentant qu’elle s’affaiblit. L’assemblée ménage autant qu’elle peut l’unité de terroir. Par exemple, elle maintient les limites anciennes entre le Velay et le Vivarais, et elle examine les points litigieux avec le plus grand soin. De même pour la division des marches communes entre le Poitou et la Bretagne.

Ce n’est pas tout : une fois les principales divisions décidées, l’enquête reste ouverte pendant plusieurs mois sur la valeur de l’œuvre accomplie. On voit alors de quels égards est entourée la situation et la personnalité des villes : c’est réellement l’antique municipe qui détermine l’architecture du département. Le comité est sans cesse retardé « par l’embarras que donnent, sur la disposition des chefs-lieux, les prétentions des différentes villes. » On écoute les réclamations de Lisieux, de Saumur. Les prétentions de Montluçon