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d’une partie de leurs anciennes entraves et leur a concédé, sur certains points, plus qu’ils ne demandaient. Ils peuvent maintenant se réunir à peu près quand ils veulent. Ils ont la publicité des séances, dont les assemblées rurales ne font point encore grand usage. Ils ont la faculté de se partager en comités d’études : faveur modeste, qu’on s’étonne de leur avoir refusée si longtemps, lis peuvent, pour certains intérêts communs, correspondre entre eux sans être frappés de mort civile. On ira plus loin encore: on encouragera les municipalités à se concerter entre elles, non pour abolir leur personnalité, mais pour diminuer les inconvéniens de leur isolement. On ne cherchera pas à créer de nouvelles et coûteuses divisions administratives ; mais en laissant vivre les villages, on leur permettra de combiner leurs efforts et leurs ressources toutes les fois qu’ils le jugeront à propos. Voilà le vrai moyen de tirer les campagnes de leur ornière. Dans une démocratie comme la nôtre, l’association est le salut des faibles, qu’il s’agisse des individus ou des personnes morales. Il faut prendre un parti : si la commune est trop morcelée, laissez les morceaux se rapprocher à l’occasion. La puissance publique est assez forte pour empêcher que le rapprochement ne tourne au fédéralisme.


V.

Les progrès de l’assemblée départementale sont plus sensibles encore, parce qu’ils sont de date récente et qu’ils intéressent le grand public. Ce conseil était cependant bien humble à l’origine : jusqu’en 1838, il n’a d’autre fonction que d’approuver la répartition de l’impôt direct entre les communes; c’était une espèce de grand conseil d’arrondissement. La loi de 1837 elle-même, assez libérale en matière municipale, ne lui confère qu’un droit d’avis sur des objets restreints : par exemple sur les changemens du territoire des communes. A partir du jour où le roi Louis-Philippe, fidèle aux promesses de la charte, organisa la représentation départementale, cette institution ne cessa pas de pousser en tous sens ses jeunes rameaux, et de se frayer un chemin à travers les constructions rectilignes de l’administration proprement dite. De même, un arbuste, frêle d’abord, écarte les obstacles qui l’entourent, et, devenu grand arbre, fait fléchir les plus fortes maçonneries par l’effort continu de la sève. Peu à peu la plante départementale a grandi jusqu’à devenir envahissante : du droit d’avis, le conseil-général est passé au droit de décision ; des affaires du département, il a étendu son contrôle à celles des communes, et, dans des cas nombreux, supplanté le préfet. Tout l’a servi, même les grandes crises