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et des banquiers, non-seulement dans l’Anatolie, mais dans le reste de l’Asie-Mineure, à Constantinople, en Syrie, en Égypte. Elle est en relation d’idées et d’affaires avec ses congénères des îles, de la Crète, du royaume, de l’Europe, et, on peut le dire, du monde entier : car le Grec est le même en tout pays. Les Grecs du Levant sont lettrés ; dans tous leurs villages, ils ont une école, où l’enseignement a pour base l’histoire grecque, les anciens auteurs, les élémens des sciences, l’étude de la langue française et de l’anglais. Ces écoles sont de trois degrés, ayant à leur tête l’École évangélique de Smyrne, et comprennent plus de 17,000 élèves, garçons et filles. Outre ces écoles, les Grecs ont dix ou douze imprimeries à Smyrne, un musée important et une bibliothèque. Tous les établissemens d’instruction ont été fondés et sont entretenus par des dotations privées. L’expansion moderne du génie grec date du traité de Kutchuk-Kaïnardjik, imposé par la Russie en 1774 ; mais l’action des puissances occidentales, surtout de l’Angleterre, l’a favorisé, et la création du royaume après la bataille de Navarin, en 1827, adonné aux Hellènes de l’Asie-Mineure à la fois un type vivant dans leur race et un point d’appui.

Les Arméniens ne diffèrent pas beaucoup des Grecs, surtout ceux des classes riches ; comme eux ils sont lettrés, ont de nombreuses écoles, de hauts commerçans, et fournissent des employés aux administrations musulmanes. Les Grecs les accusent de n’être point patriotes ; pour quelle patrie l’Arménien combattrait-il? Son pays pourra cesser d’appartenir à la Turquie ; il a failli en être séparé lors du traité de Berlin ; mais, s’il l’est un jour, ce sera pour être annexé à l’empire des tsars : l’Arménie a moins d’avenir que la Pologne.

Quant aux Juifs, ils sont partout les mêmes ; mais, moins belliqueux qu’au temps des Macchabées, ils sont débiles et ne cultivent que les professions où la force physique est superflue. Le petit commerce est leur occupation ordinaire. Ils sont peu lettrés, et toutefois ont fondé récemment une assez grande école à Smyrne. Ils subsistent par l’appui mutuel qu’ils se donnent : on ne rencontre pas de Juifs parmi les mendians, terrible et odieux fléau de tout l’Orient. On compte, à Smyrne seulement, environ 15,000 Juifs ; les Arméniens n’y sont que 7,000.

À ces élémens orientaux de la population levantine, il faut ajouter un nombre respectable de gens venus d’Europe, la plupart catholiques, et dont les familles sont depuis longtemps fixées en Asie-Mineure. On n’en rencontre pour ainsi dire aucun dans les campagnes ; ils demeurent dans les villes. Leurs pères y vinrent autrefois pour y faire quelque commerce ou pour y remplir une fonction consulaire. Le nom de plusieurs d’entre eux remonte à