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commerce françaises et d’autres plus petites, constituées en nation, n’écoulant que des produits français et faisant tout le commerce d’exportation pour la France. Il n’y en a plus que deux ou trois ; elles sont isolées les unes des autres ; à côté d’elles sont des maisons d’importance diverse, tenues par des indigènes, protégés français. Toutes ces maisons ont cessé de former une nation; elles rivalisent entre elles sur beaucoup de points et vendent, non des produits français, mais des articles de toute provenance et souvent des contrefaçons. Les négocians français du Levant viennent rarement en France faire eux-mêmes leurs achats et leurs ventes ; ils les font par des commissionnaires établis sur nos places et qui, pour leurs peines, font monter de 20 ou 25 pour 100 le prix des marchandises. Les Anglais, les Allemands, les Autrichiens et les Grecs font autrement : leurs chefs de maison voyagent eux-mêmes, débattent les prix avec les producteurs européens; et l’on voit des marchands allemands livrer les produits français à meilleur marché que les maisons françaises. Quant aux articles similaires provenant d’Allemagne et vendus comme articles français, le monde en est rempli ; je n’en parle pas ici, parce qu’il y a dans ce mode de concurrence trop peu de scrupule ; mais les produits allemands, sincères, sont presque toujours livrés à meilleur compte que les nôtres. J’en pourrais citer mille exemples ; en voici un seul : le sulfate de quinine allemand coûte 90 francs quand le nôtre en coûte 110 ou 120.

La France n’a pas su organiser ses transports. On s’écriera que les meilleurs paquebots de la Méditerranée sont ceux des Messageries maritimes. Je dirai que les navires subventionnés par l’état sont toujours les meilleurs ; mais le voyageur, qui s’y trouve si bien, devrait songer que son voyage lui est en partie payé par le peuple des contribuables et qu’il paie lui-même fort cher. Le bien-être du voyageur n’est rien dans le mouvement commercial; c’est par kilos et par francs que la prospérité s’évalue, et le prix des transports joue ici un rôle important. Comptez le voyage de 100 kilos de marchandises de l’intérieur de la France à Smyrne : ils paieront, pour arriver à Marseille, de 11 à 17 francs, tout compris, suivant nature; 20, 8, 5 ou 3 sur les Messageries maritimes; de Paris à Smyrne, le transport durera vingt et un jours en moyenne. De Trieste à Smyrne, le Lloyd prend 4.95, 3.85, 2.80 et 1.70 pour le même poids du même objet. De Londres ou de Liverpool à Smyrne par Gibraltar, on dépasse rarement 5 ou 6 francs, et le trajet ne dure que quatorze ou quinze jours. J’ai sous les yeux un chiffre déjà ancien, puisqu’il est de 1881 ; je l’adopte, parce que les choses n’ont fait qu’empirer depuis lors; cette année-là, nos ports, de Bordeaux