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Thomas Davies. Un peu plus loin se montre, également arrêté par le calme, un brick-goêlette de 14 canons, le Pickle, commande par le lieutenant William Figg.

Dès que la première fraîcheur se fait sentir, Roussin laisse porter sur l’Albacore. Quelques coups de canon s’échangent. La corvette a conservé l’avantage du vent : elle en profite pour se retirer du feu. Faut-il la poursuivre ? Faut-il se laisser entraîner vers la côte ennemie, au risque d’attirer, par le bruit d’une canonnade prolongée, de nouveaux navires de guerre ? Avec une belle brise, bien établie, on pourrait accabler en quelques minutes ce bâtiment de force évidemment inférieure : un vent incertain, la proximité de la terre interdisent cet espoir. Roussin reprend sa route pour sortir au plus tôt de la Manche. C’est le parti auquel se seraient arrêtés tous les croiseurs de l’Inde. Le capitaine Motard, le capitaine Bouvet lui-même, n’ont pas donné au lieutenant de vaisseau Roussin d’autres exemples.

Au bout d’une demi-heure, la corvette anglaise rassurée revient sur ses pas : elle revient accompagnée de toute une flottille, — du Pickle, d’un autre brick, le Borer, capitaine Richard Coote, d’un cutter de 4 canons, le 'Landrail, commandé par le lieutenant John Hill. Tous ces mirmidons ne supporteraient pas une volée de la frégate française ; — n’oublions pas pourtant que, dans la mer des Antilles, le capitaine Napier, sur un brick, — le Recruit, — a décidé, par l’obstination de sa poursuite, le 15 avril 1809, la prise du vaisseau français le d’Haupoult. — Mais tous se sont couverts de signaux, tous appellent à l’aide la flotte qui, d’habitude, se tient entre l’Ile d’Ouessant et les Sorlingues. Leur but est surtout de faire du bruit. L’Albacore a ouvert le feu ; ses trois compagnons envoient à leur tour décharges sur décharges. La Gloire se contente de répondre avec ses pièces de retraite. La nuit survient : l’Albacore a cessé son feu. Un de ses lieutenans, William Harman, est tué ; six ou sept hommes sont hors de combat. A trois heures du matin, la brise s’élève : la frégate française est bientôt hors de vue.

En haute mer, les chances seront plus égales. Le capitaine Roussin s’établit en croisière sur le banc des Soles. Le 20 décembre, il s’empare de la corvette le Spy armée de 10 canons. Ce bâtiment venait d’Halifax ; il transportait en Angleterre un nombre assez considérable d’officiers et quatre-vingt-dix matelots ou soldats malades. Roussin fait jeter à la mer l’artillerie de la corvette et laisse le Spy continuer sa route. Un cartel a été passé avec le capitaine pour l’échange d’un pareil nombre de prisonniers français.

Le 23 décembre, au matin, un navire marchand de 450 tonneaux,