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conditions économiques actuelles. Tous les groupes parlementaires les ont accueillies avec bienveillance, sinon avec sympathie. Le ministre de l’intérieur, parlant au nom du gouvernement, n’a pas hésité à dire à cette occasion : « Si ces propositions exprimaient toute la pensée et tout l’esprit de leurs promoteurs, les auteurs du projet de loi pourraient aussi bien siéger à la droite qu’à la gauche du Reichstag. » Examinons de plus près les points essentiels de la motion : travail des détenus, journée de travail maximum, fixation du salaire, contrôle des règlemens, chambres ouvrières.

Une première proposition est relative à l’interdiction du travail des détenus pour des entreprises industrielles. L’emploi des détenus par des entrepreneurs en vertu de contrats passés avec l’administration des prisons, pensent les orateurs socialistes, porte un préjudice intolérable aux artisans et aux ouvriers libres. Les détenus travaillant à prix réduit, leur main-d’œuvre moins coûteuse permet aux entrepreneurs des prisons, qui disposent en outre de machines perfectionnées, de jeter leurs produits sur le marché avec des prix de revient si bas, que les maîtres et les artisans ordinaires ne trouvent plus leur compte à faire les mêmes articles, notamment pour la confection, la cordonnerie, les meubles. Il y a là une concurrence que les démocrates socialistes veulent écarter, en permettant l’emploi des détenus seulement pour des travaux de culture ou pour des travaux industriels au profit de l’état ou des communes. Si nous considérons toutefois que la proportion des détenus dans les établissemens pénitentiaires représente une faible fraction de la population totale, peut-être le tiers ou la moitié du nombre des vagabonds errant sur les routes de l’empire, évalués de 200,000 à 300,000 par le député Grillenberger, nous trouvons que la concurrence du travail des prisons ne compromet pas l’existence des artisans et des ouvriers libres. Une interdiction du travail des détenus pour des entreprises industrielles ne changerait pas sensiblement les conditions du marché en faveur des autres producteurs.

L’idée de restreindre et de régler la concurrence en vue d’une meilleure rémunération et d’un plus grand profit pour les ouvriers inspire également les propositions relatives à la réduction de la journée de travail. Abstraction faite de cette vérité, que la capacité de travail ou la productivité normale de chaque individu a ses limites, les socialistes posent en principe que les progrès de la technologie, les perfectionnemens incessans des machines diminuent de jour en jour le nombre de bras occupés. Par suite, le nombre d’ouvriers sans travail et sans moyens de subsistance entraîne une réduction de salaires. Les travailleurs sans ressources ne peuvent se procurer les objets de consommation produits en surabondance. On ne