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passer de la démocratie au communisme par l’anarchie. Pas plus que la monarchie, le gouvernement bourgeois ne profite à la masse des travailleurs. En dernier lieu, la lutte doit se continuer entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. Pour l’Allemagne, Harro-Harring, l’auteur des Schulgesänge, recueil de chants pour les écoles, prêche avant tout le régicide :


Drei mal Dreizehn Einzelstaaten
Sollen gar ein Deutschland heissen ?
So’n drei Dutzend Potentaten
Müssen dort in’s Grass einst beissen.


Mais l’exécution des princes souverains ne suffit pas naturellement pour faire table rase des autorités du passé. Pour assurer l’émancipation des travailleurs, le poète Vesky jette dans le même sac les oripeaux de tous les intermédiaires parasites du gouvernement :


Lumpen, Lumpen ! bringt mir Lumpen,
Ungewaschen, ungekrumpen,
Kœnigskleider, goldgestickt,
Bettlerkleider, buntgeflickt.
Ordensbänder, Bischofsmützen,
Bunte Lappen, blanke Litzen ;
Alles muss in meinen Sack,
Alles muss in’s Lumpenback.


De son côté, Marr s’en prenait directement au roi de Prusse dans la revue bi-mensuelle publiée avec Börnstein, en 1844, sous le titre : Vorwärts, Pariser Signale ans Kunst, Wissenschaft, Theater, Musik und geselligen Leben. Au dire du docteur George Adler, qui a écrit une intéressante histoire des origines du mouvement socialiste en Allemagne, — Geschichte der ersten sozialpolitischen Arbeilerbewegung in Deutschland (Breslau, 1885), — les gouvernemens allemands portèrent plainte à Paris contre la publication de Börnstein. Le ministère Guizot intenta des poursuites contre les rédacteurs, dont Crémieux accepta la défense, comme avocat, sollicitant les juges « de ne pas travailler pour le roi de Prusse. » Dès lors, l’agitation ouvrière, stimulée de l’étranger, se propagea à l’intérieur de l’Allemagne. Une première association à tendance socialiste se forma à Berlin en 1844, afin de prendre en main les intérêts des travailleurs.