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reprit-il, un pas mène à l’autre ; brouillons-le seulement une fois à fond (thoroughly) avec la France, et le reste pourra suivre. » — Puis il se permit de rappeler que, dans l’entretien précédent, l’impératrice elle-même lui avait promis qu’en octobre on ferait ce qu’on voudrait.

— « Je n’ai pas dit cela, reprit-elle vivement ; j’ai dit qu’en octobre on verrait ce qu’il y aurait à faire. — Eh bien ! c’est tout vu, Madame : voir et consentir doivent être aujourd’hui la même chose[1]. »

La réponse arriva sans tarder, telle qu’on pouvait l’attendre : négative cette fois encore sur tous les points. Pas plus en octobre qu’en août et en septembre, l’impératrice ne voulait se laisser parler d’une paix plâtrée. Ce refus, transmis en termes impérieux et brefs à Robinson, était accompagné de deux autres communications qui en aggravaient encore le caractère, et dont on l’autorisait à informer son gouvernement. On lui remettait en main le texte même des engagemens qui obligeaient l’Autriche à porter secours à la Saxe en cas d’agression du roi de Prusse, engagemens renouvelés en termes plus exprès que jamais, à la date même où avait paru le manifeste menaçant de Frédéric contre Auguste et son ministre[2]. Puis, on lui faisait part des mesures déjà prises pour remplir cette promesse, à savoir : le rappel d’une partie des troupes autrichiennes stationnant encore sur le Rhin et aux environs de Francfort, et qui allaient venir, sous les ordres du général Grün, traverser la Bohême, pour se rapprocher de la frontière saxonne. En même temps, le prince de Lorraine, se mettant en mouvement du côté opposé avec son corps d’armée, entrerait sur le territoire même de l’électorat par la province de Lusace. On ne pouvait déclarer au cabinet anglais, sous une forme plus catégorique et ressemblant plus à un défi, la résolution de faire directement et immédiatement le contraire de ce qu’il demandait[3].

En transmettant ces pièces, Robinson ne put s’empêcher de faire remarquer que leur contenu donnait beaucoup à réfléchir. D’où venait cet excès, ce redoublement même de confiance chez l’impératrice ? Que signifiaient ces mouvemens militaires inattendus, à cette saison de l’année ? Aurait-on par hasard l’intention de faire de

  1. Robinson à Harrington, 30, 31 octobre 1745. — One fatal ne bursting out through the impérial vivacity, during the altercation of a long audience might, I apprehend, be irrevocable and Europe lost for one hasty monosyllable. Correspondance de Vienne. — Record office.)
  2. La pièce relative aux engagemens de l’Autriche et de la Saxe est un véritable traité servant d’addition et de complément au traité de Varsovie du 25 mai : il porte la date du 26 août, par conséquent du lendemain du traité de Hanovre.
  3. Le lecteur n’oubliera pas, dans tout le récit qui va suivre, que la plus grande partie de la province de Lusace, actuellement annexée à la Prusse, faisait alors partie de l’électorat de Saxe.