Ce n’est pas en vain qu’on s’est imprégné de l’esprit d’une époque héroïque. Les officiers de 1812 étaient des enfans quand éclata la révolution française. Toute leur éducation s’est faite sous l’influence d’événemens qui, durant un quart de siècle au moins, nous donnèrent le droit incontestable de nous appeler « la grande nation. » Nos revers maritimes ne suffisaient pas à étouffer chez eux l’orgueil dont le cœur de tout Français, à cette époque, était gonflé. On s’en prenait au gouvernement des avocats, à l’anarchie ; on se disait que le retour à la discipline, aux saines traditions militaires, ne pouvait manquer de changer bientôt le cours des choses. La confiance était prête ; le moindre succès devait lui donner l’essor. En ce moment, les Duperré et les Bouvet parurent[1] : une sorte de commotion électrique ébranla la flotte tout entière. Les campagnes de l’Inde furent, pour notre marine si éprouvée en 1798 et en 1805, ce qu’avait été au xvie siècle, pour les flottes chrétiennes de la Méditerranée, la bataille de Lépante[2]. Le prestige anglais s’effaçait peu à peu ; Aboukir et Trafalgar tombaient insensiblement dans l’oubli. Nul n’aurait