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peine à se procurer quand le temps presse : si nos vaisseaux devaient jamais être appelés à opérer de nouveau dans la Baltique ou dans la Mer du Nord, qu’on ouvre les armoires où j’ai fait renfermer le travail de condensation dont M. le capitaine de frégate de Latour-Dupin consentit à se charger sur mon invitation : il en sortira, je l’affirme, des renseignemens du plus haut prix.

On ne saurait conjecturer à l’avance sur quel point les courans variables de la politique pourront un jour ou l’autre appeler l’intervention de nos escadres. Il est donc d’un sérieux intérêt de mettre en réserve, pour les divers parages du globe, un aperçu général des obstacles matériels que rencontrerait telle mission invraisemblable à l’heure où les regards sont tournés vers de tout autres points de l’horizon. Cette précaution eût probablement prévenu des illusions dont les conséquences devaient être funestes, à l’époque où fut résolu l’envoi d’un corps expéditionnaire au Mexique. Quoi de plus sincère qu’un journal de bord ? Sébastien Cabot pressentit le premier le parti qu’on pourrait tirer de ces impressions notées au jour le jour. Tous les journaux de bord ne sont pas tenus avec le soin que l’amiral Roussin apportait à l’enregistrement du moindre événement de mer. A qui la faute, si ce n’est à nous, qui laissons ces précieux papiers s’entasser dans les majorités des ports, sans que personne ait la faculté ou le désir d’y jeter les yeux ? Je voudrais qu’au retour de chaque campagne, les journaux de la timonerie et ceux des officiers fussent expédiés à Paris, qu’une sérieuse analyse en fût faite, qu’un rapport fût, à ce sujet, adressé au ministre, provoquant immédiatement l’éloge ou le blâme. Vous verriez bientôt quelle masse d’indications, portant sur tous les sujets, sur tous les détails, viendrait insensiblement remplir vos cartons.

Je suis bien convaincu, — permettez-moi d’en faire ici la remarque, — que nos ports, que nos rades, constamment visités par les étrangers, ne l’ont pas été sans fruit. L’amiral Roussin regrettait de n’avoir pas vu Lisbonne. D’autres yeux que les siens auraient dû avoir vu pour lui : ses anxiétés en eussent sans doute été de beaucoup diminuées. « Nous avons, me dira-t-on, les rapports des capitaines. » Je n’ai pas confiance dans les rapports. Il y a là trop de style. Si ces rapports sont succincts, ils ne disent pas assez ; s’ils sont longs, on ne les fit pas. Je ne veux avoir foi que dans les journaux de bord. Les journaux de la timonerie et ceux des officiers constatent ce qui s’est passé de quatre heures en quatre heures. C’est de la photographie maritime.

Les hostilités, cependant, étaient ouvertes. Le capitaine de Rabaudy n’avait pas seul fait acte de guerre, en arrêtant les bâtimens de commerce portugais ; l’amiral Roussin, quelques jours après son