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Même le lourd billon de Sparte
S’orne d’un profil belliqueux.
César et le grand Bonaparte
Brillent sur l’or plus puissant qu’eux.

Il est bien le pouvoir suprême.
L’Iscariote, aux Oliviers,
Sûr d’avoir vendu Dieu lui-même,
Fait tinter ses trente deniers ! ..

Pièce d’or, reine des monnaies,
Que tant de mains voudraient saisir,
Rien pourtant de ce que tu paies
Ne vaut la peine d’un désir.

Tu donnes la volupté brève.
Mais quel trésor, quel million
Paierait la douceur d’un beau rêve,
D’une suave illusion ?

Crésus passe l’hiver à Nice,
Court les eaux thermales, l’été.
Mais perd-il son teint de jaunisse ?
On n’achète pas la santé.

Ce mets exquis qu’un gourmand touche
En brouet noir se convertit ;
Un goût de cendre est dans sa bouche.
On n’achète pas l’appétit.

— Juif, cette esclave est la plus belle.
Montre-la-moi, une en plein jour…
Mais le libertin n’obtient d’elle
Que la grimace, ô noble amour !

Vois ce lâche au cœur plein de rage,
Ce difforme au front attristé…
Tient-on boutique de courage ?
Est-il un marchand de beauté ?

Pour tout l’or de Californie
Nul n’acquiert le laurier fatal,
Planant sur l’homme de génie
Qui meurt, obscur, à l’hôpital ;